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projets pétrolier et gaziers sénégalais : attention à la dégringolade des ambitions


Rédigé le 21 Décembre 2023 à 18:45 | 0 commentaire(s) modifié le 31 Décembre 2023 - 16:44

Massamba Ndakhté Gaye
Ndakhté M. GAYE est un journaliste d'investigation engagé dans le suivi citoyen des obligations... En savoir plus sur cet auteur

(Equonet-Dakar) – En plus des multiples reports du démarrage effectif de l’exploitation du pétrole et gaz sénégalais, de gros risques subsistent sur les prévisions de 2024.


Le démarrage de l’exploitation du pétrole et du gaz sénégalais sera-t-il effectif en 2024 ? Les quantités de production annoncées seront-elles respectées ? Ces interrogations ne souffrent pas de pertinence. Elles sont légitimées par les nombreux reports du démarrage effectif de l’exploitation des hydrocarbures et par les risques de baisse de leur production. Elles sont d’autant plus fondées au point de faire l’objet d’analyse au plans interne et externe par les services de la direction de la programmation budgétaire, une entité de la direction générale du budget du ministère des Finances et du Budget.

Au plan interne, ces praticiens du budget partent des tensions sociales et le report, en 2024, du démarrage effectif de l’exploitation du pétrole et du gaz qui ont marqué l’économie nationale en 2023, pour alerter sur des risques qui, malgré tout, subsistent sur la date de démarrage et les quantités de production prévues en 2024.

En effet, initialement prévue en 2021, l’exploitation du pétrole et du gaz a été reportée en 2022, puis en 2023 et finalement en 2024. Une situation qui, selon eux, a conduit à des révisions du cadrage macroéconomique et à des changements majeurs dans l’orientation des dépenses de l’Etat. « A ce titre, une évaluation des risques d’une baisse de la production initialement prévue en 2024 demeure importante pour juguler les effets néfastes sur les prévisions de croissance et de déficit budgétaire », soulignent-ils dans la Déclaration sur les Risques budgétaires (DRB).

Leur évaluation fait ressortir un risque qui pèse sur l’exploitation de pétrole et de gaz en 2024, c’est celui d’une baisse de la production prévue. « Sur l’hypothèse forte d’une baisse de 50 pour cent de la production du pétrole et du gaz, l’impact devrait se faire ressentir principalement au niveau de l’activité extractive », avertissent les services de la direction de la programmation budgétaire.

Mais pour mieux mesurer cet impact, il s’avère important d’avoir une vue globale sur les quantités de pétrole et du gaz à produire.

Pour ce qui est du gisement de gaz Grand Tortue Ahmeyim (GTA) transfrontalier entre le Sénégal et la Mauritanie dont la découverte a été réalisée en 2015, les ressources probables récupérables sont estimées entre 15 et 20 TCF (Trillion Cubic Feet), soit entre 420 et 560 milliards de mètres cubes de gaz naturel, selon le Document de programmation budgétaire et économique pluriannuel 2024-2026 actualisé.

La même source note qu’au plan commercial, une production de 2,5 millions de tonnes par an de gaz naturel liquéfié (GNL) et celle de 35 millions de pieds cubes jour en gaz domestique sont prévues pour la première phase du projet GTA.

S’agissant du projet de Sangomar (pétrole), l'exploitation du champ Sangomar permettra de récupérer près de 560 millions de barils de pétrole et 2,4 TCF de gaz naturel (associé et non associé) dans le cadre d’un futur développement (phase future). Le concept de développement choisi est constitué d’une unité flottante de production, de stockage et de déchargement (FPSO), rattachée à une architecture sous-marine de collecte et de transport des hydrocarbures.

Concernant les découvertes de gaz naturel de Yakaar et Teranga, en rapport avec BP et Kosmos, il est envisagé une phase préliminaire d’une production minimale de 150 millions de pieds cubes par jour de gaz naturel destinée au marché domestique (génération électrique et besoins industriels). Le projet Yakaar-Teranga s’inscrit dans une stratégie globale de monétisation du gaz local au niveau local, via le gas-to-power et le gas-to-industry, en ligne avec le PSE et le schéma directeur pétrole et gaz de l’Etat. L’objectif est de satisfaire la demande croissante du pays en électricité à partir du gaz naturel offshore.

Les estimations de productions prévues initialement ainsi quantifiées, l’on pourrait valablement se demander à quel niveau de l’activité extractive l’impact d’une baisse de 50 pour cent pourrait se faire sentir. Celle-ci pourrait-elle se traduire par un rétrécissement du marché de fourniture locale des biens et services pour les entreprises locales et de l’emploi local pour les jeunes demandeurs en quête d’opportunités ? Le DRB est muet sur cet aspect de l’impact.

En tout cas, la probabilité d’un resserrement du marché de la main d’œuvre local et de fourniture locale est forte si ces projections ministérielles se confirment.  

En ce qui concerne les finances publiques, l’impact d’un report du démarrage effectif de l’exploitation du gaz et du pétrole est situé au niveau des ressources globales en quête de mobilisation. « Au niveau des finances publiques, un report d’une année affecterait les ressources globales devant être mobilisées pour l’année 2024 et, par conséquent, il faudrait nécessairement un réajustement dans les dépenses de l’Etat pour rester sur le même niveau de déficit projeté », préviennent les services de la direction de la programmation budgétaire.

S’agissant du secteur productif, ces derniers notent qu’un report de l’exploitation du pétrole et du gaz devrait impacter l’économie à travers les activités extractives. « Initialement projetée à 9,2 pour cent en 2024, une baisse de 50 pour cent de l’exploitation en 2024 devrait se traduire par une croissance de 7,6 pour cent, soit une perte de 1,6 point de pourcentage », projettent-ils.

En outre, ils ont relevé les risques liés à l’élection présidentielle de février 2024 où l’activité économique connait une baisse consécutive à un ralentissement des investissements publics. De même, l’investissement privé, est au ralenti en raison des incertitudes liées à la période post-électorale.

Risques d'un renchérissement des cours du pétrole et du gaz

Au plan externe, les services de la direction de la programmation budgétaire lient ces risques au renchérissement des cours du pétrole et du gaz. « En se basant sur l’évolution des cours du baril de pétrole depuis 1960 ainsi que sur les crises survenues durant ces deux (2) dernières décennies, le degré d’occurrence retenu est, en moyenne, de 10,0 pour cent », notent-ils. Et ces experts de relativiser. « Avec les mécanismes d’atténuation mis en place par l’État à travers le Fonds de sécurisation des importations de produits pétroliers (FSIPP) et la stratégie de rationalisation progressive des subventions énergétiques, le degré de criticité est assez faible. »

Il y a lieu de souligner que le contexte de leur exercice est marqué par une détente des cours du baril. Et que leur simulation est faite pour évaluer les conséquences d’une flambée des cours du pétrole sur les finances publiques, notamment sur les recettes pétrolières, en comparaison avec la situation retenue dans le cadre de la loi de finances initiales (LFI) 2024.

Ainsi, ils ont analysé deux scénarii, l’un portant sur un niveau de baril à 100 dollars US et l’autre à 120 dollars US contre 75 dollars US retenus dans la LFI 2024. Par ailleurs, ils ont également pris en compte une hypothèse du taux de change du franc CFA par rapport au dollar, en se basant sur les dernières évolutions sur le marché des changes. A cet effet, le taux est retenu à 580 FCFA pour 1 dollar US contre 542 dans la LFI 2024. « On notera toutefois le ravivage inopiné du conflit israélo-palestinien en ce mois d’octobre 2023 et qui pourrait engendrer davantage d’incertitudes sur les cours du pétrole », préviennent-ils.

« Au niveau du secteur productif, la stabilisation des prix à la pompe par l’État à travers FSIPP fait qu’une fluctuation des cours se diffuse faiblement dans l’économie réelle, contrairement à l’activité de raffinage qui reste le plus sensible à une fluctuation des cours. C’est ce qui explique que si les cours sont défavorables et associés à un certain niveau de taux de change, la société africaine de raffinage (SAR) suspend les importations de pétrole brut pour le raffinage afin de s’orienter vers l’importation de produits raffinés à des fins de commercialisation, d’où son incidence dans le sous-secteur du commerce. A titre illustratif, une hausse significative des cours du baril (120,0$) associé à un taux de 580,0 FCFA/$ a un effet négatif sur l’activité de raffinage (baisse de la valeur ajoutée du sous-secteur) ; au même moment, l’activité de commerce se retrouve davantage renforcée », notent-ils.

« Dans le cadre d’un scénario de choc, la croissance du produit intérieur brut (PIB) devrait se rétracter de 1,0 point de pourcentage comparativement aux prévisions de la LFI 2024, au niveau du secteur productif. En effet, la croissance du PIB passerait de 9,2 pour cent à 8,2 pour cent en 2024. Le sous-secteur de raffinage devrait, pour sa part, baisser de 25,8 points de pourcentage en 2024. Par ailleurs, le niveau général des prix ne semble pas être affecté, au regard du mécanisme de stabilisation mis en place par le gouvernement », poursuivent-ils.

« Toutefois, le maintien des prix à la pompe à leur niveau actuel engendre souvent des pertes commerciales pour les pétroliers, lesquelles sont prises en charge par l’Etat. En effet, ces dernières étaient évaluées à 287 milliards FCFA, pour un baril à 100 dollars en mai 2023. A cet effet, avec un baril à 100 dollars, les prix du gasoil et du super carburant ressortiraient respectivement à 893 FCFA et à 942 FCFA le litre contre des prix appliqués respectifs de 655 et 775 FCFA. Pour pallier cette éventualité et à défaut d’appliquer la vérité des prix, des subventions sur les prix à la pompe pourraient être envisagées en 2024 », ajoutent-ils.

Selon les techniciens du ministère des Finances et du Budget, le Sénégal présente pourtant des perspectives de croissance robustes qui devraient s’établir, à l’aune de l’exploitation du pétrole et du gaz, à 9,2 pour cent en 2024 et s’inscriraient sur une trajectoire moyenne de 7,8 pour cent sur la période de 2024-2026.

Ainsi, les prévisions au plan économique s’annoncent bonnes avec le démarrage de la production d’hydrocarbures, mais à la condition que des mesures d’anticipation ou d’atténuation soient identifiées pour que cette prévision se réalise.

C’est tout le sens de la publication de la DRB qui s’attèle à analyser les principaux facteurs pouvant engendrer des déviations, par rapport aux dites prévisions, afin d’identifier des mesures d’anticipation susceptibles d’éviter leur matérialisation ou limiter les impacts sur le budget, en cas de survenance.

L’élaboration de cette DRB (3ème édition), annexe de la loi de finances de l’année 2024, contribue à garantir une gestion transparente des finances publiques, conformément à la loi n°2012-22 du 27 décembre 2012 portant Code de transparence dans la gestion des finances publiques.
 
 



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