Alors que s’ouvre le sommet Finance en commun en Côte d’Ivoire, des organisations de la société civile appellent les principales institutions financières publiques, dont la Banque africaine de développement (BAD) et la Banque européenne d’investissement (BEI), à faire preuve de davantage d’audace et d’ambition afin de garantir un avenir énergétique sans fossile en Afrique.
Dans une déclaration conjointe, les OSC soulignent la nécessaire transparence des institutions en matière de financement climatique, appellent à un renforcement des politiques climatiques par la mise en œuvre d’une politique de sortie des combustibles fossiles et de désinvestissement dans les gaz fossiles.
En outre, les OSC font part de leurs préoccupations relatives aux tentatives récentes de présenter le gaz fossile comme combustible de transition et estiment que cela enfermerait le continent dans une dépendance aux combustibles fossiles, et repousserait encore une transition vers les énergies vertes en Afrique.
Les OSC souhaitent que les financements du pétrole, du charbon et au gaz soient remplacés de toute urgence par un financement climatique essentiellement basé sur des subventions pour les énergies renouvelables et sur une transition juste et axée sur les personnes.
La ruée vers le gaz africain a également engendré des tensions, certains pays européens comme l’Allemagne et l’Italie se tournant vers l’Afrique pour répondre à leurs besoins énergétiques à la suite des ruptures d’approvisionnement occasionnées par la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Les militant·e·s pour le climat ont critiqué cette décision qui non seulement empêche la lutte contre la pauvreté énergétique en Afrique, mais risque en outre d’aggraver le réchauffement climatique.
Charity Migwi, chargée de campagne pour l’Afrique à 350.org, déclare :
« En finançant les combustibles fossiles en Afrique, la Banque africaine de développement (BAD) et la Banque européenne d’investissement (BEI) encouragent le piège de l’endettement menant à un dangereux effet d’entraînement et causant des dégâts environnementaux, de graves conséquences sur le climat ainsi qu’une hausse de la pauvreté. Cette décision enfermerait par ailleurs certains pays dans un cercle vicieux d’endettement pour les décennies à venir. La BAD et la BEI doivent plutôt mettre en œuvre des financements climatiques visant à aider l’Afrique à faire un bond en avant vers un avenir énergétique durable, qui soit non seulement abordable mais qui réponde également aux besoins sociaux et de développement ainsi qu’aux injustices du passé ».
Dean Bhebhe, responsable des campagnes pour Power Shift Africa, affirme :
« Les investissements de la Banque africaine de développement et de la Banque européenne d’investissement en Afrique continuent d’aggraver les conséquences de la crise climatique à laquelle font face les communautés partout sur le continent. L’heure n’est pas au climato-scepticisme. Les institutions financières publiques doivent agir dès maintenant afin de mettre fin à tout financement des combustibles fossiles et investir dans des énergies renouvelables durables pour tous·tes. Il est crucial que l’Afrique attire de plus en plus d’investissements lui permettant de sauter la phase des énergies polluantes et de devenir un leader en matière d’écologie, plutôt qu’une simple victime de l’urgence climatique. L’Afrique refuse que son avenir soit régi par des investissements dans les gaz fossiles. Cela n’est pas l’Afrique que nous voulons ».
Selon Lorraine Chiponda de la campagne « Don’t Gas Africa » :
« Ces dernières décennies, les institutions financières publiques et privées ont établi des politiques financières et commerciales et ont financé des projets de combustibles fossiles qui ont entraîné des catastrophes climatiques. En réalité, le financement de projets de combustibles polluants a entraîné des catastrophes climatiques qui ont affecté l’humanité et l’environnement. Nous devons tenir compte des alertes lancées par les communautés, les militant·e·s et l’édition 2022 du rapport du GIEC, et opérer un changement radical vers un financement des énergies renouvelables. Les communautés africaines ont subi d’immenses pertes et dégâts sans obtenir la moindre réparation. Nous exhortons donc les institutions financières mondiales à faire marche arrière et à cesser de financer les projets de combustibles fossiles. Se trouvant à la périphérie d’une organisation financière mondiale élitiste, les institutions financières africaines ne doivent pas participer aux politiques et au financement de projets contribuant au réchauffement climatique qui ont nui au quotidien et au bien-être des Africain·e·s. L’Afrique doit plutôt rechercher des financements en faveur d’une transition vers les énergies renouvelables qui soit rapide, juste, équitable et axée sur les citoyen·ne·s. La ruée vers le gaz africain n’a pas vocation à réduire la pauvreté énergétique que vivent des centaines de millions d’Africain·e·s, et augmentera considérablement les émissions de carbone des pays africains, qui sont faibles à ce jour ».
Courtney Morgan, chargée de campagne pour le African Climate Reality Project, déclare :
« Le mandat des banques de développement consiste à soutenir le développement. Mais nous ne pouvons plus appliquer une définition obsolète et coloniale du développement, donnant la priorité aux profits plutôt qu’aux personnes, à la combustion de combustibles fossiles plutôt qu’à la planète, et qui permet à un petit nombre de s’enrichir aux dépens des plus pauvres. Nous souhaitons un développement centré sur l’Afrique et qui renforce la capacité et la résilience des communautés afin de survivre à la crise climatique. Financer des projets qui continuent d’extraire et de brûler des combustibles fossiles compromet la capacité de l’Afrique à atténuer la crise climatique et à s’y adapter, et nous enferme dans des cycles d’endettement et dans un modèle occidental de développement qui n’a jamais servi nos peuples et ne les servira jamais. Nous devons définir un nouveau modèle de développement pour l’Afrique, qui soit juste tant sur le plan social qu’environnemental, qui permette à nos populations d’accéder à une énergie propre et qui assure la transition vers les énergies renouvelables sans qu’aucune communauté et qu’aucun·e travailleur·euse ne soit laissé·e pour compte ».
Omar Elmawi, directeur de Muslims for Human Rights, assure que :
« Pendant longtemps, les financiers ont pu financer en toute impunité des combustibles fossiles qui ont non seulement aggravé la crise climatique et causé d’innombrables dégâts et engendré des conséquences sur les vies et les moyens de subsistance, mais ont aussi intensifié les violations des droits humains sur le continent africain. Leur responsabilité dans cette forme de financement les rend complices de crime et a empêché de prendre les bonnes décisions, à savoir financer de vraies solutions. La décision leur appartient désormais : continueront-ils cette mascarade ou feront-ils le choix de la décence et de la justice, à savoir le financement des énergies renouvelables soutenues par les populations et permettant de fournir une énergie accessible et abordable aux plus de 600 millions d’africain·e·s en situation de pauvreté énergétique, plutôt que de continuer de défendre les intérêts des multinationales aux dépens de ceux du continent ? Tous les regards sont rivés sur eux à l’heure du choix entre les citoyen·ne·s et la cupidité des grandes entreprises. Nous espérons qu’ils opteront pour l’humain ».