À partir des dernières données disponibles auprès de l’OCDE et de la Commission européenne, en se basant sur la contribution nette de la France au budget de l’Union européenne (UE) et en tenant compte des aides multilatérales reçues par les pays situés en dehors de l’UE (dont celles provenant du budget de l’UE), la part du monde francophone dans les aides publiques françaises au développement peut être estimée à 20,1 % en 2022, soit un montant de 4,8 milliards d’euros. Un niveau se situant loin derrière celui de l’UE, dont la part s’est établie à 37,2 % (9,0 Mds d’euros), et essentiellement au bénéfice des 13 pays de sa partie orientale et de leurs 114 millions d’habitants, seulement, la même année.
Une politique qui demeure peu francophonophile
Les 27 pays francophones du Sud, rassemblant non moins de 474 millions d’habitants mi-2022, et presque entièrement situés sur le continent africain, ont donc continué à ne bénéficier que d’une faible part des aides françaises au développement. Une part oscillant chaque année autour de 20 % de l’enveloppe globale, avec une moyenne estimée à 20,3 % pour les aides cumulées sur la période de cinq années 2018-2022 (soit 4,1 milliards d’euros en moyenne annuelle, aides multilatérales et bilatérales confondues). Ce chiffre constitue une estimation avec une marge d’erreur d’environ un point de pourcentage, compte tenu de l’existence d’un certain nombre de sommes ne faisant pas l’objet d’une répartition précise pour les pays bénéficiaires non membres de l’UE. Par ailleurs, cette estimation ne tient pas compte des aides destinées à Wallis-et-Futuna, archipel du Pacifique Sud comptabilisé par le gouvernement français et l’OCDE parmi les bénéficiaires des aides publiques au développement, mais ne pouvant être pris en considération puisqu’il s’agit d’un territoire français.
À l’inverse de l’espace francophone, l’UE continue donc à s’accaparer la part du lion, avec une part se situant autour de 40 % de l’effort financier de la France. Sur la période 2018-2022, celle-ci s’est ainsi établie à 38,5 %, soit 7,7 Mds d’euros en moyenne annuelle. Ainsi, l’UE s’accapare chaque année l’écrasante majorité des dix premières places des principaux pays bénéficiaires des aides françaises au développement. En 2022, et sans tenir compte, évidemment, de la Belgique et du Luxembourg, qui bénéficient d’importants transferts au titre des frais de fonctionnement des institutions de l’UE, ce sont non moins de sept des dix premières places qui étaient donc occupées par des pays membres de l’UE, contre seulement deux pour le monde francophone, qui de surcroît n’étaient que les sixième et dixième places, et auxquels s’ajoutait un huitième pays européen, à savoir l’Ukraine (classée deuxième, avec une aide de 1,522 Md d’euros). Les sept pays membres de l’UE concernés sont la Pologne (2,210 Mds d’euros), la Roumanie (1,094 Md), la Hongrie (837 millions), la Grèce (681 millions), le Portugal (557 millions), la République tchèque (525 millions) et la Slovaquie (426 millions). Quant aux deux seuls pays francophones, il s’agit de la Côte d’Ivoire (600 millions) et du Maroc (421 millions).
Comme chaque année, la Pologne continue donc à être, et de loin, le premier pays bénéficiaire des aides publiques françaises au développement, avec une enveloppe près de quatre fois supérieure en 2022 à celle reçue par le premier pays francophone bénéficiaire. Cette prépondérance de l’UE se manifeste également par la présence de 10 pays membres parmi les 20 premiers pays bénéficiaires des aides françaises au développement, ces pays se concentrant d’ailleurs dans les 14 premières places. Dans ce cadre, ceux de la partie orientale de l’UE, soit au total 13 pays allant des pays Baltes, au nord, à Chypre, au sud, et formant un ensemble que l’on peut désigner par l’appellation UE-13, représentent chaque année l’écrasante majorité des pays bénéficiaires, soit neuf de ces dix pays membres de l’UE présents parmi les principaux pays bénéficiaires des aides françaises au développement en 2022. À l’inverse, seuls trois pays francophones font partie des 20 premiers pays bénéficiaires, le Cameroun étant le troisième d’entre eux et n’arrivant qu’en 19e position. Une marginalisation de l’espace francophone qui s’observe également par la présence de non moins de six pays non francophones, à savoir l’Afrique du Sud (11e), l’Égypte (15e), le Bangladesh (16e), le Mexique (17e), le Nigeria (18e) et la Turquie (20e).
Le tropisme européen de la politique française d’aide au développement se manifeste donc naturellement au niveau du volume des aides publiques versées par habitant. Ainsi, et selon ce classement, neuf des dix premiers pays bénéficiaires sont membres de l’UE, tous appartenant à l’UE-13, contre aucun pays francophone (le dixième étant l’Arménie). De même, 12 des 20 premiers pays bénéficiaires sont membres de l’UE, se concentrant dans les 13 premières places, contre seulement deux pays francophones, et n’occupant que les 14e et 20e places (à savoir la Gabon et le Congo-Brazzaville, respectivement). Par ailleurs, 15 des 20 premières positions sont occupées par des pays du continent européen, membres ou non de l’UE.
Ainsi, et bien que peuplée de seulement 1,3 millions d’habitants, l’Estonie, qui arrive en tête, a reçu en 2022 une aide publique française au développement presque égale à celle reçue par le Congo-Kinshasa (174 millions d’euros, contre 188 millions), qui n’est autre que le premier pays francophone du monde avec ses 110 millions d’habitants actuels, et dont la capitale Kinshasa est la plus grande des villes francophones avec ses 17 millions d’habitants, ne cessant de creuser l’écart avec Paris (11 millions). En d’autres termes, le montant de l’aide française par habitant reçue par ce petit pays balte a été non moins de 68 fois supérieure à celle reçue par le Congo-Kinshasa (ou République démocratique du Congo, RDC), selon la population estimée de l’époque, soit 129,3 euros par habitant contre seulement 1,9 euro. Autre exemple frappant, le Maroc, un des plus grands et sincères amis de la France, et modèle de développement et de bonne gouvernance pour le monde arabe et le continent africain, a reçu une aide de 421 millions d’euros, soit 5,2 fois moins que la Pologne à laquelle a été octroyée une somme de nouveau supérieure à 2 Mds d’euros (2,2 Mds en 2022). Et ce, pour une population quasi égale, et en dépit des politiques économique et étrangère polonaises souvent hostiles aux intérêts français.
Des écarts considérables que confirment d’ailleurs les transferts observés sur la période de cinq années 2018-2022, la Pologne ayant bénéficié d’une moyenne annuelle de 2,014 Mds d’euros, contre seulement 333 millions pour la Maroc. Quant à l’Estonie et à la RDC, la première s’est vue allouer une aide de 132 millions d’euros en moyenne, soit un niveau également comparable à celui de la RDC (153 millions).
Par conséquent, force est de constater que les pays de l’UE-13, pourtant déjà assez développés, ont bénéficié d’un effort financier 1,6 fois plus important que pour l’ensemble des 27 pays francophones du Sud (soit 7,5 Mds d’euros, frais de fonctionnement inclus), en dépit d’une population 4,2 fois inférieure en 2022 (et répartie sur un territoire 11 fois moins vaste), soit un volume d’aide par habitant 6,5 fois supérieur. Des aides publiques qui sont, de surcroît, octroyées à des conditions plus favorables aux pays de l’UE-13, car intégralement versées sous forme de dons, et non assorties de la moindre condition, directe ou indirecte, ni même ponctuelle (par exemple en matière d’attribution de marchés).
Certes, et outre le fait que les montants indiqués pour les pays francophones puissent être légèrement revus à la hausse, par l’intégration de la partie non imputée des aides versées aux étudiants et aux demandeurs d’asile (les demandeurs d’asile en France n’étant toutefois qu’à un quart, au plus, francophones), les aides publiques françaises au développement ne constituent évidemment pas les seuls flux financiers en provenance de France, puisque doivent être également pris en compte les flux en provenance des diasporas francophones vivant dans l’Hexagone, ainsi que les investissements réalisés par les entreprises françaises dans les pays francophones.
Toutefois, et à l’exception du Maroc et de la Tunisie (qui comptent une importante diaspora en France et accueillent de très nombreuses entreprises tricolores, ayant créé des dizaines de milliers d’emplois, directs et indirects, et payant de nombreux impôts, sous différentes formes), la prise en compte de ces flux supplémentaires ne change rien au fait que les transferts reçus par les pays francophones demeurent proportionnellement très en deçà de ceux reçus par chacun des 13 pays d’Europe orientale membres de l’UE (et dont certains comptent également de nombreux ressortissants en France, permanents ou temporaires, et reçoivent d’importants investissements français).
Lire la suite : www.cermf.org/aides- francaises-au-developpement- 2022-huit-des-dix-premiers- pays-beneficiaires-sont- europeens
Une politique qui demeure peu francophonophile
Les 27 pays francophones du Sud, rassemblant non moins de 474 millions d’habitants mi-2022, et presque entièrement situés sur le continent africain, ont donc continué à ne bénéficier que d’une faible part des aides françaises au développement. Une part oscillant chaque année autour de 20 % de l’enveloppe globale, avec une moyenne estimée à 20,3 % pour les aides cumulées sur la période de cinq années 2018-2022 (soit 4,1 milliards d’euros en moyenne annuelle, aides multilatérales et bilatérales confondues). Ce chiffre constitue une estimation avec une marge d’erreur d’environ un point de pourcentage, compte tenu de l’existence d’un certain nombre de sommes ne faisant pas l’objet d’une répartition précise pour les pays bénéficiaires non membres de l’UE. Par ailleurs, cette estimation ne tient pas compte des aides destinées à Wallis-et-Futuna, archipel du Pacifique Sud comptabilisé par le gouvernement français et l’OCDE parmi les bénéficiaires des aides publiques au développement, mais ne pouvant être pris en considération puisqu’il s’agit d’un territoire français.
À l’inverse de l’espace francophone, l’UE continue donc à s’accaparer la part du lion, avec une part se situant autour de 40 % de l’effort financier de la France. Sur la période 2018-2022, celle-ci s’est ainsi établie à 38,5 %, soit 7,7 Mds d’euros en moyenne annuelle. Ainsi, l’UE s’accapare chaque année l’écrasante majorité des dix premières places des principaux pays bénéficiaires des aides françaises au développement. En 2022, et sans tenir compte, évidemment, de la Belgique et du Luxembourg, qui bénéficient d’importants transferts au titre des frais de fonctionnement des institutions de l’UE, ce sont non moins de sept des dix premières places qui étaient donc occupées par des pays membres de l’UE, contre seulement deux pour le monde francophone, qui de surcroît n’étaient que les sixième et dixième places, et auxquels s’ajoutait un huitième pays européen, à savoir l’Ukraine (classée deuxième, avec une aide de 1,522 Md d’euros). Les sept pays membres de l’UE concernés sont la Pologne (2,210 Mds d’euros), la Roumanie (1,094 Md), la Hongrie (837 millions), la Grèce (681 millions), le Portugal (557 millions), la République tchèque (525 millions) et la Slovaquie (426 millions). Quant aux deux seuls pays francophones, il s’agit de la Côte d’Ivoire (600 millions) et du Maroc (421 millions).
Comme chaque année, la Pologne continue donc à être, et de loin, le premier pays bénéficiaire des aides publiques françaises au développement, avec une enveloppe près de quatre fois supérieure en 2022 à celle reçue par le premier pays francophone bénéficiaire. Cette prépondérance de l’UE se manifeste également par la présence de 10 pays membres parmi les 20 premiers pays bénéficiaires des aides françaises au développement, ces pays se concentrant d’ailleurs dans les 14 premières places. Dans ce cadre, ceux de la partie orientale de l’UE, soit au total 13 pays allant des pays Baltes, au nord, à Chypre, au sud, et formant un ensemble que l’on peut désigner par l’appellation UE-13, représentent chaque année l’écrasante majorité des pays bénéficiaires, soit neuf de ces dix pays membres de l’UE présents parmi les principaux pays bénéficiaires des aides françaises au développement en 2022. À l’inverse, seuls trois pays francophones font partie des 20 premiers pays bénéficiaires, le Cameroun étant le troisième d’entre eux et n’arrivant qu’en 19e position. Une marginalisation de l’espace francophone qui s’observe également par la présence de non moins de six pays non francophones, à savoir l’Afrique du Sud (11e), l’Égypte (15e), le Bangladesh (16e), le Mexique (17e), le Nigeria (18e) et la Turquie (20e).
Le tropisme européen de la politique française d’aide au développement se manifeste donc naturellement au niveau du volume des aides publiques versées par habitant. Ainsi, et selon ce classement, neuf des dix premiers pays bénéficiaires sont membres de l’UE, tous appartenant à l’UE-13, contre aucun pays francophone (le dixième étant l’Arménie). De même, 12 des 20 premiers pays bénéficiaires sont membres de l’UE, se concentrant dans les 13 premières places, contre seulement deux pays francophones, et n’occupant que les 14e et 20e places (à savoir la Gabon et le Congo-Brazzaville, respectivement). Par ailleurs, 15 des 20 premières positions sont occupées par des pays du continent européen, membres ou non de l’UE.
Ainsi, et bien que peuplée de seulement 1,3 millions d’habitants, l’Estonie, qui arrive en tête, a reçu en 2022 une aide publique française au développement presque égale à celle reçue par le Congo-Kinshasa (174 millions d’euros, contre 188 millions), qui n’est autre que le premier pays francophone du monde avec ses 110 millions d’habitants actuels, et dont la capitale Kinshasa est la plus grande des villes francophones avec ses 17 millions d’habitants, ne cessant de creuser l’écart avec Paris (11 millions). En d’autres termes, le montant de l’aide française par habitant reçue par ce petit pays balte a été non moins de 68 fois supérieure à celle reçue par le Congo-Kinshasa (ou République démocratique du Congo, RDC), selon la population estimée de l’époque, soit 129,3 euros par habitant contre seulement 1,9 euro. Autre exemple frappant, le Maroc, un des plus grands et sincères amis de la France, et modèle de développement et de bonne gouvernance pour le monde arabe et le continent africain, a reçu une aide de 421 millions d’euros, soit 5,2 fois moins que la Pologne à laquelle a été octroyée une somme de nouveau supérieure à 2 Mds d’euros (2,2 Mds en 2022). Et ce, pour une population quasi égale, et en dépit des politiques économique et étrangère polonaises souvent hostiles aux intérêts français.
Des écarts considérables que confirment d’ailleurs les transferts observés sur la période de cinq années 2018-2022, la Pologne ayant bénéficié d’une moyenne annuelle de 2,014 Mds d’euros, contre seulement 333 millions pour la Maroc. Quant à l’Estonie et à la RDC, la première s’est vue allouer une aide de 132 millions d’euros en moyenne, soit un niveau également comparable à celui de la RDC (153 millions).
Par conséquent, force est de constater que les pays de l’UE-13, pourtant déjà assez développés, ont bénéficié d’un effort financier 1,6 fois plus important que pour l’ensemble des 27 pays francophones du Sud (soit 7,5 Mds d’euros, frais de fonctionnement inclus), en dépit d’une population 4,2 fois inférieure en 2022 (et répartie sur un territoire 11 fois moins vaste), soit un volume d’aide par habitant 6,5 fois supérieur. Des aides publiques qui sont, de surcroît, octroyées à des conditions plus favorables aux pays de l’UE-13, car intégralement versées sous forme de dons, et non assorties de la moindre condition, directe ou indirecte, ni même ponctuelle (par exemple en matière d’attribution de marchés).
Certes, et outre le fait que les montants indiqués pour les pays francophones puissent être légèrement revus à la hausse, par l’intégration de la partie non imputée des aides versées aux étudiants et aux demandeurs d’asile (les demandeurs d’asile en France n’étant toutefois qu’à un quart, au plus, francophones), les aides publiques françaises au développement ne constituent évidemment pas les seuls flux financiers en provenance de France, puisque doivent être également pris en compte les flux en provenance des diasporas francophones vivant dans l’Hexagone, ainsi que les investissements réalisés par les entreprises françaises dans les pays francophones.
Toutefois, et à l’exception du Maroc et de la Tunisie (qui comptent une importante diaspora en France et accueillent de très nombreuses entreprises tricolores, ayant créé des dizaines de milliers d’emplois, directs et indirects, et payant de nombreux impôts, sous différentes formes), la prise en compte de ces flux supplémentaires ne change rien au fait que les transferts reçus par les pays francophones demeurent proportionnellement très en deçà de ceux reçus par chacun des 13 pays d’Europe orientale membres de l’UE (et dont certains comptent également de nombreux ressortissants en France, permanents ou temporaires, et reçoivent d’importants investissements français).
Lire la suite : www.cermf.org/aides-