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Thiémoko Meyliet Koné : «la performance du marché des titres publics vient souligner la nécessité de développer notre marché régional de la dette».


Rédigé le 31 Août 2020 à 17:51 commentaire(s) modifié le 1 Septembre 2020 - 17:28


(Equonet-Dakar) – Dans un entretien accordé au magazine ‘’La Tendance’’ de l’Agence Umoa Titre, le gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest (Bceao), Thiémoko Meyliet Koné, explique l’engouement des Etats sur les marchés des Titres publics et comment ceux-ci les accompagnent dans le financement de leur plan de développement.


Quelle lecture faites-vous de la situation actuelle du Marché des Titres Publics de l’UMOA ?

De façon générale, le marché financier régional a fait la preuve de son utilité en tant qu’instrument de mobilisation de l’épargne et de financement des économies, offrant aux opérateurs économiques de nouvelles opportunités de financement de leurs activités, en complément aux financements traditionnels du système bancaire. Le Marché des Titres Publics, exclusivement dédié au financement des États membres de l’UMOA et mis en place depuis maintenant sept (7) ans, a su se frayer une place dans l’architecture régionale du système financier et en particulier du marché financier. Ainsi, on peut dire qu’il évolue de façon convenable avec des réformes mises en place et des acteurs qui prennent petit à petit la mesure de l’importance des bonnes pratiques de marché.

Ces dernières années, il a été noté un recours fréquent des Etats de l’UMOA au Marché des Titres Publics (MTP) pour lever des fonds. Qu’est ce qui explique cet engouement ?

Il est vrai que ces dernières années, nous sommes passés, en termes de volumes mobilisés, de 2 516 milliards de FCFA en 2014 à 3 420 milliards en 2019, avec un gain qualitatif en ce qui concerne la structure de notre marché. Il s’agit là d’une standardisation des instruments de dette et d’un rallongement prudent mais structurel de la maturité des portefeuilles de la dette de nos Etats.
Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette hausse du volume mobilisé a beau être remarquable, elle l’est bien moins, comparée à la hausse de l’appétit des investisseurs.
La réalité est que ce marché répond à la fois à un besoin des Etats et des investisseurs. En effet, le besoin en financement et notamment en financement dirigé vers le développement des infrastructures, combiné à la baisse des financements concessionnels, crée un terreau favorable pour développer un marché de la dette souveraine conforme aux standards internationaux.

Aujourd’hui et malgré la crise économique que nous subissons, le MTP permet à nos Etats de lever des montants consistants. Ce qui n’est pas le cas sur les marchés internationaux ; comment justifiez-vous cette performance ?

Les émissions de titres publics, de par leur taille, leur structuration et de par leurs résultats enregistrés au regard de notre contexte de marché, tendent à faire évoluer le MTP vers des standards internationaux, mais surtout travaillent à corriger une vision erronée qui est celle de classer le Marché des Titres Publics comme étant un marché permettant uniquement de lever des montants modestes sur de courtes maturités.

Cette performance vient souligner s’il était encore utile, la nécessité de développer notre marché régional de la dette. Nous nous devons de nous appuyer d’une part sur l’expertise de l’Agence UMOA-Titres, qui s’illustre dans son cœur de métier, c‘est-à-dire la levée de fonds, mais qui s’illustre également dans le cadre d’opérations plus pointues en termes de gestion active de la dette. D’autre part, les réformes entreprises par l’Agence, en collaboration avec la BCEAO, tendent à hisser le marché au rang des meilleurs standards internationaux et donc à le rendre de plus en plus performant.

Comment le Marché des Titres Publics peut-il accompagner les Etats dans le financement de leurs plans de développement ?

A l’heure des débats sur la mondialisation des économies et sur les questions relatives au financement du développement des pays du Sud, la question du financement du développement de l’Afrique se pose avec plus d’acuité que jamais. Alors que les pays africains ont toujours eu recours à la dette dite concessionnelle auprès des organismes internationaux et des pays amis pour financer l’investissement public, celle-ci se raréfie et montre une incapacité à combler les besoins en financement. Il en est de même pour les entreprises publiques et privées, qui affichent également un déficit en financement moyen et long termes. Il s’est donc avéré utile et urgent de réfléchir à des moyens alternatifs pour financer l’investissement public et privé, ce qui pose avec acuité la question de la mobilisation de l’épargne nationale. C’est dans cette optique que l’Agence UMOA-Titres a été créée et que, avec elle, le Marché des Titres Publics émis par adjudication a été mis en place. Ce marché prend donc tout son sens dans la stratégie de financement des Etats. Il poursuit comme ultime ambition d’accompagner ces Etats dans le financement de leurs politiques de développement à des coûts maîtrisés.

Avec la crise liée à la pandémie de la COVID-19, les Etats ont eu recours au MTP à travers la mise en œuvre d’un programme d’émissions Bons COVID-19. La BCEAO en a été l’instigatrice. Pouvez-vous nous en dire plus ?

En effet, dans le cadre de la mise en œuvre des actions visant à atténuer les impacts négatifs de la pandémie liée au Coronavirus, la BCEAO, en collaboration avec l’Agence UMOA-Titres, a proposé aux Etats membres de l’UMOA de procéder à l’émission de titres publics courtterme dans le but de faire face aux besoins immédiats de trésorerie induits par cette pandémie. C’est ainsi qu’en concertation avec les partenaires techniques et financiers et en particulier le FMI, un programme d’émissions de Bons Social COVID-19 d’environ 1172 milliards de FCFA a été validé. Ce montant correspond aux besoins de financement immédiat résiduel, déterminés de concert par les Etats et le FMI et permettant aux Etats de garantir le respect des engagements pris dans le cadre des programmes signés avec leurs partenaires.
Aussi, l’Agence UMOA-Titres a donc été chargée de mettre en œuvre l’émission de ce nouvel instrument dénommé « Bons COVID-19 ». Pour rappel, les Bons COVID-19 sont en réalité des Bons Assimilables du Trésor de maturité 3 mois, émis par voie d’adjudication à des taux précomptés inférieurs ou égaux à 3,75%. Ils bénéficient non seulement de l’accès au guichet classique de la BCEAO, mais aussi de l’accès à un guichet spécial COVID de refinancement à 3 mois au taux directeur fixe de 2,5%. L’exécution du programme a connu un franc succès, avec la participation de 85 investisseurs de l’UMOA, une moyenne globale de couverture des émissions de l’ordre de 368% et un taux moyen pondéré des émissions de 3,1433%.

Jusque-là, ce sont seulement les Etats qui réalisent des levées de fonds sur le MTP avec le soutien de l’Agence UMOA-Titres. Est-ce qu’on peut s’attendre à ce que les entreprises de l’Union puissent lever des ressources sur le MTP ?

Le Marché des Titres Publics n’a pas été créé dans ce sens mais il est amené à évoluer. L’avenir nous dira s’il ira dans cette direction.

En votre qualité de Président du Conseil d’Orientation de l’Agence UMOA-Titres, comment voyez-vous le futur de l’institution ?

Dans les années à venir, l’Agence UMOA-Titres va devoir s’illustrer sur trois (3) axes majeurs.
 1. D’abord, l’institution va devoir s’atteler à devenir un outil permettant aux Etats de la zone UMOA de lever de la dette sur les marchés locaux et internationaux tout en assurant la promotion et la visibilité de leurs images, en qualité d’emprunteurs rigoureux et fiables. L’AUT va travailler à être un portail d’accès à la dette de nos Etats.
2. Ensuite, l’institution s’évertuera également à devenir pour les Etats, le réceptacle privilégié de l’ensemble des moyens, outils et mécanismes servant à lever de la dette sur les marchés. L’AUT a donc vocation à devenir, à terme, un canal privilégié des Etats de la zone UMOA pour toutes les opérations de levée de dette (adjudication, syndication, APE etc…).
 3. Enfin, l’institution sera l’outil privilégié pour accompagner les Etats dans le renforcement de leurs capacités de suivi de la dette, de gestion active et de développement des capacités à mobiliser de la dette intérieure dans le respect de leurs engagements.

Quelles sont les mesures que la BCEAO compte prendre pour mieux accompagner les Etats dans leurs stratégies de mobilisation de ressources sur le Marché des Titres Publics ?

Pour accompagner efficacement les Etats dans leurs stratégies de mobilisation des ressources sur le MTP, la BCEAO entend mettre en place des outils liés à la formation et à la maîtrise de la dette. C’est pour cette raison que la Banque Centrale a conclu des partenariats avec des institutions de renom comme HEC Paris, mais aussi avec d’autres institutions Nord-Américaines.

C’est ce qu’a également actionné l’Agence UMOA-Titres, en mettant en place le système de certification aux marchés financiers, dénommé « certification CISI-UMOA » et qui a permis en quelques mois de renforcer les capacités des trésoriers, de même que celles de nombreux acteurs du MTP.

L’idée pour notre Institution est de permettre à l’ensemble des acteurs de notre écosystème financier de disposer de ressources humaines de qualité, formées aux meilleurs standards et pratiques financières, éthiques et comportementales. C’est à cette seule condition que nous pourrons disposer d’un système financier résilient, agile et capable de s’adapter à toutes les crises.
 
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