Présentée à l'édition Africa Ceo Forum qui a pris fin hier à Kigali, Rwanda, cette étude révèle la confiance du secteur privé dans le dynamisme économique du continent, tout en étant conscient des défis qui restent à relever. Autour de six thèmes majeurs : stratégie, gouvernance d'entreprise, financement, innovation, responsabilité sociale des entreprises et talents, Deloitte dégage les grandes préoccupations de ces chefs d’entreprises et apporte des réponses pour les aider à changer d’échelle.
Une confiance assumée
70 pour cent des CEOs d’entreprises africaines ou opérant en Afrique expriment leur confiance en l’avenir économique du continent. Cette tendance est confirmée par le fait que près de 2/3 des décideurs souhaitent investir davantage sur ce continuent et envisagent pour la plupart d’étendre leurs activités à d’autres pays. Cette vitalité économique est notamment portée par la création du marché unique africain, identifiée par 80 pour cent des répondants comme un levier de croissance et une opportunité de développement, ainsi que par les accords liés à la création de la Zone continentale de Libre Échange (ZLE). Dans ce contexte, 10 pays se révèlent particulièrement attractifs : la Côte d’Ivoire, le Rwanda, le Kenya, L’Éthiopie, l’Afrique du Sud, le Ghana, le Maroc, le Nigeria, le Sénégal et la Tunisie.
Autre marque de confiance : 85 pour cent des CEOs africains ont formalisé des plans stratégiques écrits, actualisés et récents. Enfin, ils ne sont que 9 à pour cent identifier la concurrence comme un obstacle à la mise en œuvre de leur stratégie, démontrant ainsi la confiance dans les opportunités de croissance et de développement de leurs activités sur le continent.
Pour autant, le baromètre Deloitte met en exergue un environnement où les dangers sont pluriels et peuvent affecter structurellement l’entreprise. Les dirigeants africains identifient le climat des affaires, la sécurisation des ressources humaines et les contraintes financières comme les 3 principaux obstacles à surmonter pour déployer et concrétiser leur plan stratégique avec des résultats tangibles à court terme.
Pour répondre à ces défis majeurs, les dirigeants africains veulent renforcer l’agilité de leur organisation à travers l’expérimentation de solutions concrètes, type proof of concept, avant leur déploiement à plus grande échelle et à travers la mesure concrète de chaque action menée. La diversification, géographique d’une part et des business models d’autre part, constitue également une réponse stratégique à ces défis.
La finance et les risques opérationnels en première ligne
Les risques financiers et opérationnels sont les premiers mentionnés (respectivement 31 pour cent et 27 pour cent). Le risque réglementaire apparaît naturellement comme le premier domaine de préoccupations des directions financières, touchés par le renforcement de la comptabilité et de la réglementation prudentielle. 67 pour cent des entreprises ont ainsi mis en place un code de gouvernance permettant d’éviter les conflits d’intérêt et d’imposer des pratiques éthiques. Pour le soutenir, l’étude souligne la nécessité pour elles de se doter de conseils d’administration indépendants et diversifiés. Cette démarche se traduit dans les faits : 61 pour cent des entreprises ont d’ores et déjà des conseils d’administration composés d’au moins un ou plusieurs administrateurs indépendants. On note également une volonté croissante de féminiser ces instances avec 51% des entreprises ayant nommé des femmes au cours des douze derniers mois.
Enfin, ce 1er baromètre met également en lumière les difficultés financières auxquelles les entreprises sont confrontées. 16 pour cent reconnaissent qu’il s’agit d’un frein à la réalisation de leur stratégie. Malgré de réels progrès, le manque de solutions de financement pour diversifier et exporter leurs biens et services, handicape leur croissance. Les fonds des entreprises restent encore la principale option de financement à hauteur de 53 pour cent suivi des prêts bancaires à 24 pour cent. Par ailleurs, 43 pour cent des CEOs voient dans le partenariat avec une entreprise étrangère ou un fonds d’investissement une source crédible de financement, créatrice de valeur.
Le triple défi du continent africain : technologique, humain et sociétal
Dans un monde où les inégalités ne cessent de croître, où les problématiques humaines et climatiques inhérentes au continent africain sont autant de défis à relever, les politiques RSE des entreprises prennent tout leur sens. Elles représentent un défi crucial pour l’Afrique, qui abritera 1/4 de la population mondiale en 2050. Conscients de ces enjeux, plus de 85 pour cent des décideurs africains ont déjà mis en place une telle démarche ou sont en train de le faire. 22 pour cent des dirigeants considèrent que la politique RSE doit contribuer au développement des communautés locales. Par ailleurs, une telle démarche va contribuer à attirer et à retenir les talents, en positionnant favorablement l’entreprise face à ses concurrents qui ne s’engagent pas sur ces mêmes principes, visions et valeurs.
Et il s’agit là d’un sujet crucial, reconnu comme tel par 17 pour cent des dirigeants. Ainsi, pour accompagner la croissance, garantir un équilibre social et s’adapter à un écosystème transformé, le Capital Humain représente un enjeu majeur notamment en ce qui concerne le middle-management. 63 pour cent considèrent la gestion des emplois et des compétences comme un rôle et une responsabilité clés pour leur département RH. Poussée par la volonté d’acquérir et de fidéliser les talents, la formation reste au centre de ce défi. De multiples initiatives existent en ce sens et peuvent être déterminantes pour le développement et la fidélisation des talents : relations avec le système éducatif, développement de programmes de leadership interne et de formation, implication des collectivités locales... 85 pour cent des PDG africains se déclarent d’ailleurs satisfaits de leur capacité à attirer des cadres supérieurs de qualité. Pour recruter les bonnes compétences, ils doivent cependant développer une approche spécifique pour chaque catégorie de talents, qu’ils soient locaux et de plus en plus souvent, internationaux.
Enfin, la révolution technologique, qui bouleverse le paysage économique des entreprises africaines apparaît comme un élément central de leur stratégie pour l’année à venir et un levier de croissance considérable. Cette opportunité leur permettra de tirer parti d’informations de qualité, afin d’accroître leur efficacité et de transformer avec succès leurs processus internes ou leur modèle organisationnel. Ainsi, la rapidité et l’agilité sont devenues des conditions préalables pour les entreprises, afin de s’adapter à l’écosystème externe et de rester compétitives. Toutefois, si 60 pour cent des entreprises reconnaissent l’impact de cette révolution, le continent souffre d’une grande disparité dans l’intégration de ces nouvelles technologies. Ainsi, la moitié des entreprises interrogées a certes intégré des applications mobiles dans ses activités quotidiennes mais moins de 10 pour cent d’entre elles travaillent à des solutions liées à l’IA, à la blockchain ou à la robotique.
«Les dirigeants africains qui prennent des mesures fermes en faveur de leur transformation numérique évitent les écueils d’une infrastructure ou d’une logistique inadaptée à ce nouveau monde, tout en obtenant un accès rapide et direct aux clients. Il est nécessaire pour eux d’accroître encore les investissements dans ce domaine. Il y a également un besoin prégnant d’encourager la coopération pour soutenir cette adaptation à l’ère numérique et d’accompagner les décideurs dans l’exploitation des technologies de pointe», conclut Brice Chasles Managing Partner - Deloitte Afrique.