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Sénégal : les conditions d’une émergence numérique posées


Rédigé le 7 Mars 2016 à 14:00 | 0 commentaire(s) modifié le 8 Mars 2016 - 17:47


Ecofinance.sn (Dakar)- Après une succession d’échecs de la stratégie «Sénégal numérique», les acteurs posent les conditions pour que la cinquième tentative soit enfin la bonne.


Sénégal : les conditions d’une émergence numérique posées
Une large coalition des acteurs, et en particulier des jeunes, doublée d’une très forte volonté politique au plus haut sommet de l’Etat, est une condition essentielle pour faire de l’économie numérique le pivot de l’émergence du Sénégal. C’est une des conclusions des experts réunis vendredi lors de la première session du Laboratoire d’études et d’analyses pour le développement (Lead) sur les enjeux de l’économie numérique sur le développement économique et social du Sénégal.

Cette recommandation a été faite à la suite d’échanges entre les participants introduits par une  présentation de l’expérience kenyane par Dr. Bitange Ndemo de l’université de Nairobi et considéré comme le principal artisan de l’architecture numérique du Kenya alors qu’il était secrétaire permanent au ministère de l’Information et de la Communication de son pays entre 2005 et 2013.

Dr. Ndemo a tracé les grandes lignes d’une politique réussie dans les Ttc en tirant les leçons de l’expérience kenyane, notamment ce qui concerne son impact sur l’économie et, plus globalement, la société kenyane.

Il a défini une société numérique comme «celle où la création, l’utilisation, l’intégration et la manipulation de l’information est une activité  dominante dans les secteurs économique, politique et culturel, avec comme objectif de gagner un avantage compétitif international à travers une utilisation innovante des Tic».

Atteindre cette société suppose, selon lui, quelques éléments incontournables pour toute politique publique visant l’émergence d’une économie numérique.

Il a cité, entre autres, l’accès universel aux infrastructures des Tic, le développement de contenus locaux, l’open data, le renforcement massif des capacités grâce á des modules innovants et le partenariat public-privé.

Dr. Ndemo a souligné l’impact de la «révolution digitale» dans un pays qui, il y a quelques années, caracolait loin derrière le Sénégal, selon les experts.

Le Kenya a ainsi connu une multiplication des incubateurs de start-ups innovant dans les Tic, la commercialisation  d’une multitude d’applications comme le fameux Mpsa, l’informatisation de la gestion foncière et de l’administration judicaire. Il a également  cité l’amélioration de la productivité agricole ainsi que l’arrivée massive d’institutions de recherche faisant du Kenya leur siège.

Tout n’est pas cependant de bâtir l’infrastructure et les contenus, il faut également éduquer les utilisateurs et bâtir un environnement légal pour combattre les effets pervers de la digitalisation et les crimes commis à travers le réseau.

L’ancien fonctionnaire du gouvernement kenyan, actuellement enseignement au business school de l’université de Nairobi, tirant les leçons de l’expérience de son pays a été formel : « construire une économie numérique exige tout d’abord une forte volonté politique».

Il a fortement insisté sur la nécessite d’engager les acteurs clés de la société pour bâtir un consensus, en particulier le secteur privé, les think tanks, les communautés, mais «sans avoir aussi peur de prendre des décisions audacieuses et sans délais, si nécessaire».

Cependant, l’adhésion des populations à des politiques publiques favorables à une économie numérique sera surtout liée aux bénéfices qu’elles en tirent. D’où la nécessité, selon Bitange Ndemo, de communiquer largement sur toute nouvelle facilité offerte par la digitalisation, notamment pour résoudre ce que les usagers considèrent comme «les tracasseries administratives».

La situation paradoxale du Sénégal

Revenant sur la situation du Sénégal, les experts ont largement débattu des opportunités et des défis de la construction d’une économie numérique au Sénégal. Les participants ont ainsi fortement souligné la situation paradoxale du Sénégal considéré, il y a quelques années, comme le pays par excellence pour le développement des Tic mais qui, aujourd’hui, est loin derrière plusieurs pays.

Ce retard, dont le coût affectant surtout les perspectives d’emploi des jeunes, doit être évalué,  ne peut être comblé, selon plusieurs participants, que par une ouverture plus accrue du secteur, qui cependant fortement résistée. Cependant, a averti un des participants, «bien que cet élargissement soit une nécessité, il ne faudrait pas que cela entraine un affaiblissement de l’opérateur historique».

A l’issue de la rencontre, le groupe a proposé, en tirant les leçons des expériences passées de formulation de politique des Tic, que le processus de préparation de la stratégie «Sénégal numérique» en cours, soit suffisamment inclusif pour s’allier les voix des acteurs potentiels pour le développement futur du secteur.

En effet, a-t-on fait remarquer, c’est la cinquième tentative d’une écriture d’une stratégie pour une économie numérique et on s’interroge encore sur les 4 échecs qui l’ont précédé, ont indiqué des acteurs. Les discussions ont tourné autour du thème du leadership politique et de la mobilisation de l’opinion publique, surtout les jeunes, pour débloquer les réformes dans le secteur.

Cette stratégie devra ainsi reposer sur une vision claire et partagée par toutes les parties prenantes et une mise en œuvre rapide de politiques opérationnelles tout en procédant à la mise en place d’un cadre juridique capable de soutenir l’émergence d’une véritable économie numérique dont les télécommunications ne sont qu’une partie.

A ce titre, le groupe recommande que la nouvelle stratégie numérique accompagne le dynamisme du Sénégal dans l’exportation de services numériques (Bpo et services de technologie de l’information) mise en évidence par une récente publication de l’Union africaine.

Le Laboratoire d’études et d’analyses pour le développement (Lead) est un forum de débat autogéré, composé de personnalités sénégalaises des divers milieux (gouvernement, associations, secteur privé, monde académique) participant à titre individuel, accueilli en son sein par le bureau de la Banque mondiale á Dakar. Il accueille des rencontres  autour d’un thème sur les questions de développement pour déboucher sur des propositions et recommandations concrètes.
Thierno M. Fall



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