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Lettre ouverte au président de la République Crise du secteur de la presse: Agir pour la postérité


Rédigé le 23 Mai 2017 à 11:53 | 0 commentaire(s) modifié le 23 Mai 2017 - 17:07


Permettez-moi, Excellence Monsieur le président de la République, cette initiative solitaire pour m’adresser à vous sur la préoccupante situation de la presse. Si j’ai opté pour ce moyen de communication, c’est parce que malgré tout ce qui a été fait par la CAP, je ne vois pas encore de solutions à l’horizon. Pire, aussi bien dans le gouvernement que votre entourage qui regorge beaucoup de journalistes et d’hommes de médias, il n’y a aucune initiative. Or, ils sont bien au fait de la situation de “putréfaction” du secteur. Oui, Monsieur le président de la République, la presse de votre pays est à l’agonie.


Ils vous ont dit que vous n’avez aucune part de responsabilité dans cette situation, que vous n’avez aucune obligation à répondre à nos revendications. Mais en tant que père de la Nation, vous ne pouvez être un observateur inerte de cette crise aiguë. Me considérant comme trait d’union entre beaucoup de générations et d’organisations des médias, les confidences et gémissements (me) parviennent de tous les côtés. Si rien n’est fait, dans un avenir proche un important pan de la presse risque de s’affaisser. À part, la RTS, le Soleil, GFM et DMedias (qui résiste grâce à la diversification des produits dans le cadre d’un holding) toutes les autres entreprises de presse sont au bord de la tombe. 

Le débat est délibérément déplacé sous l’angle “ce sont les patrons de presse qui sont responsables de tous les maux du secteur”. Or aujourd'hui, tous les compartiments de la corporation sont en déliquescence et ont besoin au lieu d’une perfusion mais d’un traitement de choc durable. Et cela passe nécessairement par une volonté politique comme cela a été le cas en 2009 en France. A l’époque, le président français d’alors, Nicolas Sarkozy avait été obligé d’intervenir pour sauver une presse à l’agonie. Ainsi, 6 milliards d’euros ont été décaissés suite à des états généraux des médias où un Plan de sauvetage avec des mécanismes clairement et consensuellement identifiés ont été mis en place. Grâce à ces mesures, la presse française tient toujours.

Au Sénégal depuis des décennies, il n’y a pas eu de mesures consolidantes pour les médias. Juste, que des solutions ponctuelles par rapport à des urgences du moment. Ce qui a fait empirer la situation d’année en année. En conséquence, la Coordination des Associations de Presse (CAP) a eu à dérouler un plan d’actions pour solliciter simplement la mise en place d’un système plus favorable au développement des médias au Sénégal. Il s’agit, en réalité, d’un cadre clair et organisé qui passe par l’adoption du Code de la presse et ses décrets d’application, de la réforme de la loi sur la publicité, une nouvelle convention collective et un mécanisme très puissant qui va obliger tout le monde (patrons et acteurs de la presse) à respecter la loi en toute vigueur. 

Monsieur le Président de la République 

Il ne s’agit point de recréer la roue. Dans la sous région, il y a des exemples qui ne constituent certes pas une réussite totale mais ils ont l’avantage de marcher. Même s’il y a, toujours, des choses à dire sur toute œuvre humaine. La Côte d’ivoire dispose d’un Conseil National de Presse (CNP) qui est dirigé et composé pour la plupart de professionnels de l’Information et de la Communication. Une structure qui représente beaucoup d’avantages en termes d’organisation de la profession et du respect des règles. Tout contrevenant à la législation et aux réglementations, s’expose à des sanctions qui peuvent aller jusqu’à la fermeture légale d’une entreprise de presse ou d’une suspension à vie d’un journaliste. Mais le CNP distribue aussi de bons points qui aident à voir clair quand il s’agit de mesures incitatives. Il stimule, en vérité, une émulation saine. Cet organe a, certes des limites mais, nous pouvons aussi nous inspirer du Benin et du Ghana pour tenter de les combler. Mieux encore, l’expertise des doyens de la presse qui ont blanchi sous le harnais peut être d’une très grande utilité. 

Monsieur le président de la République 

Si le Sénégal réussit à franchir le cap de la mise en place de ces instruments, cela sera tout à votre honneur et de la démocratie sénégalaise chantée sur tous les toits. Et cela sera surtout inscrit en lettres d’or sur les grandes réalisations de votre mandat. Le monde des médias de notre pays en a certes besoin, mais encore plus que notre Nation tout entière. 

Toute démarche est subjective et donc nécessairement critiquable. Quoiqu’on puisse reprocher à la CAP, l’objectif de son combat est noble et légitime. Il transcende les clivages politiques et partisans. D’autres nous diront que vous n’êtes pas les seuls dans ce pays. Mais tout de même, nous avons le droit d’avoir et de revendiquer un parti-pris pour notre secteur et de tirer la sonnette d’alarme pendant qu’il est encore temps.

Je m’adresse à vous via cette forme épistolaire parce que l’heure est très grave. Sans votre volonté politique, sans votre implication, il n’y aura aucune avancée. Et malheureusement la gangrène de ce membre risque de métastaser et de contaminer gravement le grand corps qu’est notre si cher Sénégal. Et cette belle vitrine qu’offre notre démocratie à l’international risque de craqueler. 

Espérant que ma missive ne restera pas lettre morte, je vous prie, Excellence Monsieur le président de la République, de considérer l’ampleur de la crise et d’agir pour la postérité.

Ibrahima Lissa FAYE
Journaliste - Blogueur 



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