L'impact du secteur des services sur la croissance et le développement est une donnée économique tangible en Afrique. Si nul ne conteste plus la nécessité d'organiser le secteur et de l'ouvrir progressivement pour en tirer le plus grand bénéfice, les modalités de cette ouverture restent encore à clarifier pour éviter aux pays africains des raccourcis hasardeux en matière de libéralisation, ce qui pourrait compromettre le développement d'un secteur qui se positionne de plus en plus comme le pilier central de la création de la richesse sur le continent.
Représentant entre 30 et 60 pourcent du PIB dans la plupart des pays africains et occupant environ un tiers de la population active, le secteur des services représente un véritable enjeu de développement. Si on tient compte du secteur informel, ce secteur apparaît même incontestablement comme le premier pourvoyeur d’emplois dans de nombreux pays. Les services occupent en outre une place de choix dans la chaîne de valeur de toutes les activités économiques (secteurs primaire, secondaire et tertiaire) et contribue efficacement à la lutte contre la pauvreté en donnant du travail à des catégories de population souvent peu formées (dans les sous-secteurs de la construction, du transport et du commerce de détail entre autres).
Alors que les pays africains se sont engagés, depuis le début des années 80, dans des réformes visant la libéralisation de leur secteur des services sous l’égide du FMI et de la Banque mondiale, et que la plupart d’entre eux ont participé aux négociations de l’AGCS à l’OMC, le secteur continue de faire face à de multiples contraintes qui empêchent le développement de son potentiel.
Aujourd'hui, de nombreux pays africains doivent rechercher un équilibre favorable entre leurs politiques de libéralisation autonome du secteur des services, leurs engagements multilatéraux dans le cadre de l'Accord général sur le commerce des services (AGCS) et plus récemment des Accords de partenariat économique (APE) négociés avec l’Union européenne.
Au début des négociations des APE, l'Union européenne (UE) avait souhaité négocier des accords complets couvrant à la fois le commerce des marchandises et des services, ainsi que d’autres questions telles que l'investissement, la concurrence, les marchés publics et la propriété intellectuelle, entre autres. De nombreuses régions se sont opposées à cette option, certains arguant ne pas avoir les moyens humains, techniques et financiers de suivre à la fois les négociations sur les marchandises et sur les services, tandis que d'autres ont estimé qu'il était plus judicieux de renforcer leurs cadres réglementaires régionaux avant de s'ouvrir à l'Europe.
M'appuyant sur le cas de l'Afrique de l'Ouest, je voudrais partager quelques réflexions sur la façon dont les régions africaines pourraient s'y prendre pour tirer davantage profit de ce secteur tout en évitant les pièges et écueils qu'elles pourraient rencontrer dans les accords à conclure.
Certes, dans une région comme l'Afrique de l'Ouest, les négociations sur les services ne démarreraient qu'après la conclusion des négociations sur les marchandises. Or, celles-ci ne sont pas encore bouclées. L'Afrique de l'Ouest et l'UE ont convenu d'une clause de rendez-vous pour entamer des discussions sur les services six mois après la conclusion de l'accord sur les marchandises.
Au début des négociations des APE, l'UE avait proposé un texte sous le titre « Établissement, commerce des services et commerce électronique ». Le contenu de la proposition européenne était basé sur le modèle développé par la commission en 2006 et qui « se fonde sur les principes de l’AGCS (accès au marché, traitement national et NPF) ».
L'évolution des demandes européennes en matière de libéralisation montrent un niveau d'ambition croissant qui reflète une libéralisation accrue du commerce des services dans les accords auxquels elle est partie. L'Accord EUROMED (1995), par exemple, prévoit des engagements de libéralisation plus faibles, qui sont révisés tous les 3 à 5 ans, alors que les derniers accords avec le Mexique (2000) et le Chili (2002) prévoient des engagements plus profonds et une révision continue. Si l’UE poursuit sa logique, ses derniers accords, dont les APE, pourraient avoir une ambition plus grande en matière de libéralisation. Deux principes devraient au moins être pris en compte par les régions africaines.
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