quand objectifs professionnels riment avec égalité des genres


Rédigé le 24 Mai 2022 à 14:20 | 0 commentaire(s) modifié le 25 Mai 2022 17:57


(Equonet-Dakar) - Grâce aux écoles d’entrepreneuriat agricole, des femmes et des hommes améliorent la rentabilité de leur exploitation tout en remettant en question la répartition de leurs rôles respectifs.


Un large sourire illumine le visage d’Agnes Rehema Chisiwa, au milieu de son exploitation de plants de tomates qu’elle a méticuleusement sélectionnés. En la regardant, on comprend qu’elle est fière de ce qu’elle a accompli. 

Agnes est aujourd’hui directrice de l’école pratique d’agriculture de Juhudi, qui est située à Kilifi South (Kenya). Elle est devenue une entrepreneuse visionnaire et une formatrice dévouée qui aime partager ses connaissances avec d’autres agriculteurs locaux. 
Dans le cadre de la formation qu’elle dispense, elle met l’accent sur le développement commercial de l’activité agricole et accompagne les femmes et les hommes dans la remise en question des traditions et des coutumes locales qui empêchent les femmes d’avoir autant voix au chapitre que les hommes. 

«Les agricultrices ont de nombreux défis à relever compte tenu des différents rôles qu’elles jouent», déclare Agnes. «Les femmes assument toute la charge des responsabilités familiales, du matin jusqu’au soir. On attend d’elles qu’elles fassent la vaisselle et le ménage, aillent chercher l’eau au puits, mènent des grossesses, participent aux réunions scolaires et préparent le repas pour leur mari et leurs enfants. Elles doivent aussi, parallèlement, participer aux réunions communautaires et travailler dans les exploitations.» 
Depuis quelques années seulement, Agnes parvient à discuter ouvertement des questions financières avec son mari. Auparavant, tous deux ne se consultaient jamais lorsqu’ils prenaient des décisions, une situation fréquente dans de nombreuses familles rurales au Kenya. 

«Lorsque mon mari avait un peu d’argent, nous n’en parlions jamais», déplore-t-elle. «Chacun avait son argent. Lorsque j’achetais un paquet de farine, il en achetait également un à son retour du travail. Nous nous retrouvions avec deux paquets de farine sans rien d’autre à manger, comme des légumes, pour le repas.» 

Pour Agnes, la situation a commencé à évoluer en 2020, après qu’elle a suivi une formation organisée par la FAO dans le cadre de l’école d’entrepreneuriat agricole pour l’autonomisation des femmes, une initiative innovante visant à promouvoir l’égalité des genres et l’émancipation économique des femmes rurales dans les domaines de l’agriculture et de la production alimentaire. Cette initiative contribue à renforcer les capacités dont disposent les agriculteurs et les agricultrices pour créer une activité agricole rentable et, dans le même temps, transformer les rapports entre les femmes et les hommes dans leur ménage, au sein des communautés et sur les marchés, en encourageant les participants à réfléchir aux obstacles entravant l’égalité, à en débattre, à étudier leurs causes et à trouver des solutions éventuelles. Les maris, les femmes et les enfants en âge d’y participer élaborent ensemble un plan détaillant des objectifs sur cinq ans pour la vie familiale et la vie professionnelle.  

Agnes est l’une des 100 animateurs et animatrices du comté de Kilifi qui ont participé à la formation de l’école d’entrepreneuriat agricole pour l’autonomisation des femmes. Dispensée par la FAO en partenariat avec le Gouvernement kenyan, cette formation s’inscrit dans le cadre de l’initiative intéressant l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes dans l’agriculture, la sécurité alimentaire et la nutrition, financée par le Mécanisme multidonateurs flexible  de l’Organisation. 

«Depuis cette formation, je peux m’asseoir avec mon mari et planifier avec lui les achats. Nous avons décidé que l’un de nous s’occuperait de la farine et l’autre des légumes. Et nous avons pris la même décision pour les uniformes scolaires de nos enfants. J’achète les chemises et il achète les shorts. Tout est désormais bien établi entre nous grâce à cette formation», s’enthousiasme Agnes. 
   
S’informer sur les marchés 

Grâce à la formation de la FAO, Agnes et les autres participants ont consolidé leurs compétences agricoles et ont appris à mieux tirer parti des marchés tout en étant encouragés à dialoguer en famille. Forte de ces connaissances, Agnes a réalisé une étude de marché dont les résultats ont mis en évidence une forte demande locale de tomates et d’autres légumes suite à la sécheresse sévissant dans le comté. Elle a alors entrepris de cultiver ces produits et s’attend à une augmentation des revenus qu’elle tire de leur vente sur le marché. 

«Avant de démarrer une production, il faut réaliser une étude de marché. Il ne faut pas lancer une culture si le marché n’est pas établi. Cette formation a été décisive pour nous», explique-t-elle. 

«Nous devons tenir compte des produits qui sont disponibles sur le marché et nous mettre à la place de l’acheteur. Il faut lui demander ce qui peut l’intéresser et le prix qu’il accepterait de payer», ajoute Agnes. 

En partenariat avec World Vision International, l’initiative de l’école d’entrepreneuriat agricole pour l’autonomisation des femmes a permis de former 15 formateurs en chef et de renforcer les compétences de 257 agriculteurs jouant le rôle d’animateurs qui ont, à leur tour, transmis leurs connaissances à 2 678 autres exploitants agricoles. L’objectif de l’initiative est d’accompagner 5 200 agricultrices et 1 300 agriculteurs d’ici à la fin de la phase pilote en 2022. 

«L’école d’entrepreneuriat agricole pour l’autonomisation des femmes, qui forme aussi bien des femmes que des hommes, contribue à la déconstruction des normes liées au genre et, dans le même temps, au renforcement des compétences et des capacités entrepreneuriales engagées dans l’amélioration de l’activité agricole, la participation aux activités des filières lucratives et la recherche de débouchés sur les marchés», souligne Carla Mucavi, Représentante de la FAO au Kenya. «Cette approche propose également différents outils pour remettre en question les normes préjudiciables à l’amélioration du bien-être des femmes et des hommes et à la réalisation pleine et entière de leur potentiel.» 

«Agnes est bien plus qu’une maraîchère cultivant des tomates et des légumes. C’est une femme pleine de ressources qui a remis en question des normes sociales et culturelles profondément ancrées», explique Queen Katembu, Coordonnatrice de l’initiative au Kenya. Après l’avoir formée, elle a ainsi pu constater qu’Agnes donnait davantage son avis au sein de son foyer et de sa communauté. «Grâce à cette formation, elle a enrichi ses compétences et peut mieux planifier ses dépenses. Elle a rejoint une association villageoise d’épargne et de crédit, a ouvert un compte bancaire et a acquis des bases solides pour décrocher un crédit.» 

Son activité se développant, Agnes sait exactement ce qu’elle veut. «Je me suis fixé un objectif et j’ai défini un plan sur cinq ans. Par exemple, j’ai besoin actuellement d’une pompe et j’ai commencé à épargner. J’ai désormais un objectif lorsque j’épargne. Je sais que je pourrai acheter cette pompe grâce à cet argent.» 

Les agriculteurs appliquent les compétences acquises lors de la formation dans le cadre d’autres initiatives agricoles dans le pays. Ces formations sont également déployées au Cambodge, en Ouganda et au Sénégal, l’objectif étant de renforcer la participation des femmes sur un pied d’égalité avec les hommes dans l’activité agricole et d’éliminer les disparités entre les femmes et les hommes dans l’agriculture. 

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Source : FAO
equonet


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