au sénégal, le respect des droits de l'homme fléchit de façon spectaculaire sous le poids de la répression préélectorale


Rédigé le 6 Décembre 2023 à 11:17 | 0 commentaire(s) modifié le 8 Décembre 2023 17:22

Ndakhté M. GAYE est un journaliste d'investigation engagé dans le suivi citoyen des obligations… En savoir plus sur cet auteur

(Equonet-Dakar) - Dans un nouveau rapport publié mercredi, CIVICUS Monitor a annoncé que l'espace civique du Sénégal est désormais considéré comme « réprimé » en raison d'un contexte marqué par la répression constante des journalistes et de l'opposition politique à l'approche des élections en février prochain.


au sénégal, le respect des droits de l'homme fléchit de façon spectaculaire sous le poids de la répression préélectorale
Le rapport intitulé « Le pouvoir du peuple sous attaque 2023  », décrit en détail l'état de l'espace civique dans 198 pays et territoires. Les informations recueillies dans le rapport montrent que les libertés de réunion, d'association et d'expression se sont fortement dégradées au Sénégal durant l'année écoulée. Les forces de sécurité ont tué des manifestants de l'opposition dans les rues et ont emprisonné des critiques, notamment des journalistes et des militants, dans le but d'étouffer toute contestation dans le cadre d'une campagne électorale tendue.

« Nos données montrent que le Sénégal a connu l'un des plus grands reculs en matière de libertés civiques de 2023 au monde », affirme Ine Van Severen, chercheuse à CIVICUS Monitor. « Autrefois, le Sénégal était considéré comme un modèle d'ouverture et de démocratie en Afrique de l'Ouest. Ce n'est plus le cas aujourd'hui ».

CIVICUS Monitor évalue l'état de l'espace civique de chaque pays au moyen de données recueillies tout au long de l'année auprès de militants de la société civile d'un pays, d'équipes de recherche régionales, d'indices internationaux en matière de droits de l'homme et de ses propres experts. Les données fournies par ces quatre sources sont ensuite rassemblées afin de déterminer à quelle catégorie appartient chaque pays : « ouvert », « rétréci », « entravé », « réprimé » ou « fermé ».

Cette année, CIVICUS Monitor a révélé que près d'un tiers de l'humanité, soit 30,6 % de la population mondiale, vit dans des pays « fermés », c'est-à-dire dans le contexte le plus restreint de tous. C'est le taux le plus élevé jamais enregistré depuis la parution du premier rapport de CIVICUS Monitor en 2018.

En même temps, seul 2,1 % de la population vit dans des pays « ouverts », où l'espace civique est en même temps libre et protégé, soit le taux le plus bas jamais atteint et deux fois moins qu'il y a six ans. L'ensemble de ces statistiques révèle un monde en crise.

« Nous assistons à une répression sans précédent de l'espace civique dans le monde entier », affirme Marianna Belalba Barreto, responsable de la recherche chez CIVICUS Monitor. « Le fait qu'aujourd'hui nous classions une démocratie comme le Sénégal dans la catégorie “ réprimé ”, la deuxième plus mauvaise, montre que les citoyens de n'importe quel pays courent le risque de perdre les droits qu'ils ont si durement acquis ».

Le déclassement du Sénégal est presque entièrement dû à la répression des libertés civiques qui a accompagné l'emprisonnement et les poursuites judiciaires à l'encontre du chef de l'opposition Ousmane Sonko avant les élections. Les forces de sécurité ont utilisé une force excessive et létale durant les manifestations de ses partisans, ce qui a conduit à des affrontements qui ont fait des dizaines de morts.

Pour tenter de juguler les manifestations, les autorités sénégalaises ont restreint l'accès à Tik-Tok et à l'internet mobile, et ont suspendu plusieurs médias. Elles ont également arrêté et poursuivi plusieurs journalistes qui ont couvert le procès de Sonko, notamment le journaliste de Dakar Matin, Pape Alé Niang, arrêté trois fois en moins d'un an. La police a également arrêté des défenseurs des droits de l'homme.

Les autorités ont dissous le parti d'opposition de Sonko, le PASTEF, ce qui a encore plus réduit l'espace de la contestation politique.

« Nous sommes profondément inquiets de voir les violations se poursuivre et s'intensifier avant les élections de février 2024 », ajoute Ine Van Severen. « Les dirigeants et les alliés du pays doivent prendre des mesures immédiates pour que les citoyens puissent jouir des piliers de la gouvernance démocratique, notamment de manifestations pacifiques, d'une presse sans entrave et d'élections libres et justes.

Les autres pays déclassés cette année sont le Bangladesh (fermé), la Bosnie-Herzégovine (entravé), l'Allemagne (rétréci), le Kirghizstan (réprimé), le Sri Lanka (réprimé) et le Venezuela (fermé).



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