Le plan Sénégal Emergent et les Partenariats publics-privés


Rédigé le 18 Octobre 2015 à 00:11 | 1 commentaire(s) modifié le 22 Octobre 2015 23:15


Ecofinance.sn (Dakar) - Devant la raréfaction des deniers publics, les pouvoirs publics actuels, au Sénégal, envisagent de mettre en oeuvre d’importants projets du PSE sous la forme de partenariats public-privé dans un contexte où les PPP font l’objet de contestations sous d’autres cieux. L’objet de cette publication est de montrer les motifs du recours aux PPP, les avantages et les inconvénients des PPP, le rapport PSE et PPP et enfin de donner des recommandations.


Les avantages et inconvénients des Ppp.
Contribution

I- Pourquoi recourir aux PPP ?

Depuis leur accession à l’indépendance, les Etats africains en général et les pays comme l’Etat du Sénégal en particulier sont constamment confrontés à des besoins qui ne cessent de s’accroître avec des ressources budgétaires limitées. Cette situation embarassante de raréfaction des deniers publics est en plus empreinte de contraintes liées à la complexité des marchés financiers dont les produits sont sérieusement affectés par la récente crise économique et financière, laquelle crise a également entraîné une réduction de l’aide au développement en direction des pays comme le Sénégal.

A ces facteurs viennent s’ajouter les règles d’or budgétaire imposées par les critères de convergence de l’UEMOA (Union Economique et Monetaire Ouest Africaine) et de la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest). C’est dire que les contraintes financières sont fortes pour nos budgets nationaux déjà déficitaires. L’état déficitaire des finances publiques est d’ailleurs récemment confirmé par le Président de la République qui affirme que « cette année (2012) a été difficile pour les finances publiques. Une baisse drastique des recettes et une dette colossale qui a augmenté de manière expansive entre 2006 et 2012, passant de 1200 milliards FCFA à 3100 FCFA aujourd’hui avec un service de la dette de plus de 611 milliards FCFA.» (L’observateur n°2779- Lundi 24& Mardi 25 décembre 2012, p.6.).

Pour lever ces deux défis antagonistes, les pouvoirs publics préconisent le recours aux Partenariats public-prive (PPP). Cette vision est notée dans le cadre du Plan Sénégal Emergent (PSE).

II- Les avantages et les inconvénients des PPP

Lorsque le cadre juridique, qu’il soit celui d’accueil (environnement des affaires) ou celui spécifiquement dédié aux partenariats public-privé est propice aux projets de PPP, il en résultera des retombées positives pour l’ensemble des acteurs voire la population.

Les avantages induits de ces projets sont divers et variés. En effet, il existe des bénéfices financiers et budgétaires pour l’Etat, c'est-à-dire qu’il peut y avoir une optimisation de la dépense (ODP) dans le cadre des projets de PPP. Celle-ci vise une réduction des coûts pendant le cycle de vie du projet, une meilleure répartition des risques, une application plus rapide, une amélioration de la qualité du service et l’obtention de recettes supplémentaires.

Concrètement, l’Etat pourra ne pas effectuer des dépenses pour certains projets de PPP excepté certaines subventions : par exemple pour les contrats de concession, le concessionnaire n’est pas payé par l’autorité publique, il se rémunère plutôt sur «les revenus versés par les usagers ou les bénéficiaires des infrastructures qu’il a réalisées». Mieux, il peut bénéficier de nouvelles ressources engendrées par l’exploitation du projet (partage de bénéfices avec l’opérateur du projet).

Les bénéfices générés par le projet ne sont pas que financiers. En faisant appel au secteur privé pour réaliser une infrastructure sous la forme de PPP, l’Etat accorde une grande importance aux compétences et au savoir-faire de celui-ci.

En outre, il peut y avoir des avantages économiques et sociaux des projets de PPP tels que la réalisation rapide, la modernisation de l’économie, l’existence de bénéfices indirects, l’amélioration des services au public, le développement durable respectueux de l’environnement, le transfert de technologies etc. 

Aussi, avec les projets de PPP, l’Etat passe d’une entité propriétaire et opératrice à celle de régulateur et de contrôleur. Ce qui constitue une garantie d’efficacité pour les services. Il pourra alors orienter ses activités vers d’autres services notamment sociaux. Il faut, toutefois, reconnaître que tous ces avantages ne doivent pas faire penser que les PPP sont une solution «miracle». Loin s’en faut, ils peuvent connaitre des échecs dans leur vie. C’est le cas de l’écotaxe en France, de la faillite d’Enron en Argentine etc…

III- Le volet PPP du PSE

Le PSE est une vision qui vise à mettre en place d’ici à 2023, un ensemble de projets structurants à fort contenu de valeur ajoutée et d’emploi. Pour l’étape intermédiaire 2014-2018, il est adossé sur un Plan d’Actions Prioritaires (PAP). La stratégie est déclinée autour de trois axes stratégiques : (i) Transformation structurelle de l’économie et croissance ; (ii) Capital humain, protection sociale et développement durable ; et (iii) Gouvernance, institutions, paix et sécurité.

Aussi, l’opérationnalisation de la stratégie exige la mise en place d’un ensemble de réformes pour accélérer le processus de transformation structurelle susceptible d'accélérer le décollage économique. Le scénario optimiste du PSE est évalué à un montant de 9 685,6 milliards de FCFA. Son financement est acquis pour 5 737,6 milliards de FCFA, tandis que le gap de financement du Plan d’Actions Prioritaires (PAP) est de 3948 milliards de FCFA :

• 1 853 milliards de FCFA d’appui financier attendu des PTF ;
• 1 111 milliards de FCFA de participation du secteur privé dans les projets PPP, représentant 70% des projets PPP, contre 476 milliards de FCFA de contribution de l’État (30 pour cent), soit 1 587 milliards de FCFA de projets PPP ; et
• 984 milliards de FCFA de l’État.

Le volet PPP du PAP, d’un montant de 1587 milliards de FCFA concerne les secteurs suivants :

• les infrastructures et services de transport : 417,4 milliards de FCFA avec la construction du Tramway à Dakar et le projet de hub aérien régional
• l’agriculture : 396,6 milliards de FCFA avec deux (02) projets phares, le développement de 3-4 corridors céréaliers et la mise en place de 100-150 projets d'agrégation ciblés sur les filières HVA et élevage,
• l’habitat et le cadre de vie : 245,9 milliards de FCFA avec deux (02) projets phares : le programme d'accélération de l'offre en habitat social et le "Business Park": centre des sièges sociaux de la région et base de vie;
• le tourisme : 165,8 milliards de FCFA avec le projet phare de développement touristique intégré ;
• l’éducation et la formation : 141,6 milliards de FCFA avec principalement le Projet de Construction de résidences universitaires et ‘’Dakar Campus Régional de référence’’;
• les mines et carrières : 101,086 milliards de FCFA avec le projet phare de relance du projet intégré sur le fer-Falémé ;
• l’industrie : 52,5 milliards de FCFA avec le projet phare de Plateformes industrielles intégrées ;
• l’eau potable et l’assainissement : 40 milliards de FCFA avec la réalisation d'une usine de dessalement de l'eau de mer ;
• la santé : 15,7 milliards de FCFA avec le projet phare "Dakar Medical City" ; et
• le commerce : 10,5 milliards de FCFA avec le projet phare de zones dédiées aux services d'exports prêtes à l'emploi.

IV- Recommandations

Aujourd’hui, les PPP qu’il s’agisse de la Private Finance Iniative (PFI) ou du contrat de partenariat (CDP), font l’objet de vives critiques en Europe au point qu’il est envisagé, en Grande Bretagne, de les substituer au «Tiers secteur» (Third Sector), «c’est-à-dire aux organismes à but non lucratif, pour l’exploitation des services publics non marchands : éducation et santé principalement» (Professeur Phillipe Collester, Revue Generale du droit 2012). 

Dès lors, il est important pour les pays comme le Sénégal qui cherchent l’émergence de tirer des leçons des expériences vécues dans cette partie du monde. A ce titre, les autorités publiques doivent impérativement éviter de s’engager dans ces projets trop coûteux pour les générations futures, en priviliégiant des objectifs politiques et électoralistes ou de les conclure sous la précipitation.

Du point de vue technique, il faudrait aussi s’entourer de toutes les garanties dans la phase de préparation, de négociation et de conclusion des PPP visés dans le PSE.

Dr Aliou SAWARE
Formateur et spécialiste en PPP
Email: aliousaware@hotmail.fr
Dr Aliou SAWARE


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