«Pour la sixième année consécutive et la septième fois en huit ans, la zone UEMOA (huit pays, dont la lusophone, mais très francophile, Guinée-Bissau) a enregistré une croissance globale supérieure à 6 % (6,4 % en 2019, et 6,6 % un an plus tôt). En 2019, les sept pays francophones de la zone monétaire ont enregistré une croissance supérieure ou égale à 5 %, et cinq d'entre eux ont connu une progression supérieure 6 % (le taux le plus faible, de 5,0%, ayant été enregistré aux Mali, qui pâtit de problèmes sécuritaires affectant une partie de son territoire). La zone UEMOA conforte ainsi son statut de plus vaste zone de forte croissance du continent, et d'important relais de la croissance mondiale.
«Hors UEMOA, la Guinée confirme le redémarrage de son économie depuis 2016, avec une hausse de son PIB de 5,9 % (5,8 % en 2018). De son côté, la Mauritanie (située hors zone CFA comme la Guinée), et après avoir affiché d'assez décevantes performances ces dernières années, a enregistré une croissance de 6,4% en 2019, et devrait également connaître une progression d'environ 6 % dans les quelques années à venir. Pour l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest francophone (Guinée et Mauritanie incluses), la croissance globale a aussi été de 6,4 %.
«Le statut de plus vaste zone de forte croissance du continent constitue une réelle performance pour la zone UEMOA, vu que celle-ci n'est pas la plus pauvre du continent, cette place étant occupée par l'Afrique de l'Est. Ainsi, à titre d'exemple, et hors Djibouti (pays francophone), seul un pays d'Afrique de l'Est continentale affichait début 2019 un PIB par habitant dépassant clairement la barre des 1 000 dollars, à savoir le Kenya (1 710 dollars, suivi loin derrière par la Tanzanie, 1 051 dollars). À la même date, deux pays francophones de l'espace UEMOA dépassaient largement ce seuil symbolique, en l'occurrence la Côte d'Ivoire (1 715 dollars) et le Sénégal (1 522 dollars). Et même trois pays pour l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest francophone, en tenant compte de la Mauritanie, aux importantes richesses minières (et auxquels s'ajoutent, pour toute l'Afrique de l'Ouest continentale, le Nigeria pétrolier et le Ghana, à la production pétrolière grandissante et aujourd'hui premier producteur d'or du continent). Par ailleurs, l'Afrique de l'Est abrite les quatre pays les plus pauvres du continent, à savoir le Soudan du Sud (désormais en dernière position), la Somalie, le Malawi et le Burundi (trois pays anglophones et un francophone, ayant tous un PIB par habitant inférieur à 400 dollars, début 2019, selon les dernières données disponibles).
«Avec une croissance 7,3 % en 2019, la Côte d'Ivoire a de nouveau affiché la meilleure performance de l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest. Après avoir dépassé le Kenya en 2018 (pays anglophone le plus prospère d'Afrique de l'Est continentale), en matière de richesse par habitant, la Côte d'Ivoire creuse ainsi l'écart avec ce dernier, qui a affiché une croissance de 5,9 % en 2019, et qui devrait également être prochainement dépassé par le Sénégal (dont la hausse du PIB a été de 6,3 %, et qui devrait connaître une progression annuelle de près de 7 % pour les quelques prochaines années, contre une croissance inférieure ou égale à 6,0 % pour le Kenya).
«Toujours selon les prévisions de la Banque mondiale, la Côte d'Ivoire et le Sénégal, pays pauvres en richesses naturelles, devraient également bientôt réaliser une autre importante performance, à savoir celle de dépasser en richesse par habitant des pays très bien dotés en matières premières comme le Nigeria (2028 dollars par habitant, début 2019, et premier producteur de pétrole du continent) et le Ghana (2202 dollars, premier producteur d'or du continent, et en passe de devenir le troisième producteur de pétrole d'Afrique subsaharienne).
«Enfin, il convient de noter que la Côte d'Ivoire est parvenue à réaliser le troisième taux de croissance le plus élevé d'Afrique en 2019, après l'Éthiopie (9,0 %) et le Rwanda (8,5 %), et ce, malgré son niveau de richesse déjà assez élevé pour le continent. En effet, l'Éthiopie et Rwanda sont des pays d'Afrique de l'Est faisant partie des pays les plus pauvres du continent, ce qui explique en bonne partie leur taux de croissance élevé. Ainsi, l'Éthiopie (qui était le deuxième pays le moins développé au monde en 2011) et le Rwanda avaient, début 2019, un PIB par habitant inférieur à des pays comme le Mali et le Bénin, qui ne comptent pourtant pas parmi les plus riches d'Afrique de l'Ouest (772 dollars pour l'Éthiopie, 773 dollars pour Rwanda, contre 900 dollars pour le Mali et 901 dollars pour le Bénin).
«Par ailleurs, il est utile de rappeler que les performances affichées par le Rwanda doivent continuer à être prises avec la plus grande précaution, et ce, pour les trois raisons suivantes : premièrement, parce que de nombreux experts indépendants remettent régulièrement en cause les taux de croissance officiels affichés par le régime rwandais. Deuxièmement, parce que le Rwanda est depuis 2013 le premier producteur et exportateur mondial de tantale, un élément stratégique obtenu à partir d'un minerai appelé coltan, mais qu'il extrait en bonne partie et en toute illégalité du territoire de la RDC voisine (qui en détient, à elle seule, plus de 60 % des réserves mondiales). Un pillage de type « colonial », dont l'existence n'est plus contestée et qui constitue un cas unique dans le monde d'aujourd'hui. Enfin, troisièmement, parce que le Rwanda est depuis plus de deux décennies l'un des tous premiers pays bénéficiaires des aides publiques au développement dans le monde (alors que le régime répète régulièrement que les pays africains ne doivent compter que sur eux-mêmes...). Ainsi, le pays s'est classé troisième sur le continent en la matière sur la période de cinq années allant de 2013 à 2017, proportionnellement à sa population (selon les données de l'OCDE, et hors pays en guerre, comme le Soudan du Sud, et très petits pays de moins d'un million d'habitants, essentiellement insulaires). Avec une enveloppe annuelle de 1,116 milliard de dollars en moyenne, il n'a été devancé, par habitant, que par le Liberia et la Sierra Leone (deux pays anglophones faisant partie des trois pays le plus pauvres d'Afrique de l'Ouest, avec le Niger). À titre de comparaison, le Burundi voisin et le Bénin, dont la population est à peu près égale à celle du Rwanda, n'ont reçu que 522 et 572 millions de dollars d'aide par année en moyenne. En d'autres termes, le Rwanda a bénéficié de 91 % et de 81 % d'aides par habitant en plus que le Burundi et le Bénin, respectivement. De même, le pays a proportionnellement reçu 116 % d'aides supplémentaires par habitant par rapport à l'Ouganda, son voisin du nord (et huitième pays le pauvre du continent, avec un PIB de 643 dollars, début 2019).
«Ces aides massives proviennent principalement des États-Unis et du Royaume-Uni, et s'expliquent par l'alliance stratégique (géopolitique, militaire et financière) scellée entre ces deux puissances et les hauts dignitaires du régime rwandais actuel, alors en exil, à la fin des années 1980. Et suite à laquelle se multiplièrent les attaques terroristes et meurtrières au Rwanda, à partir de l'Ouganda, créant ainsi un climat de peur et paranoïa collective qui mena, hélas, au triste génocide (déclenché le lendemain de l'assassinat simultané de deux présidents, ceux du Rwanda et du Burundi, par le tir d'un missile ayant abattu l'avion qui les transportait. Un double assassinat unique dans l'histoire de l'humanité). Le Rwanda qui demeure, malheureusement, l'une des quatre dictatures les plus totalitaires du continent africain, qui sont au degré « zéro » en matière de liberté d'expression (avec trois autres pays non francophones, à savoir l'Érythrée, l'Égypte, au régime bien plus autoritaire que sous Moubarak, et le Eswatini, dernière monarchie absolue du continent).
«Si le niveau raisonnable des cours des matières premières a également eu un impact positif, les bonnes performances de l'Afrique de l'Ouest francophone s'expliquent principalement par les nombreuses réformes mises en œuvre par les pays de la région, aussi bien sur le plan économique qu'en matière de bonne gouvernance. Des plans de diversification ont ainsi été mis en place, comme le « Plan Sénégal émergent » (PSE), ou encore la « Stratégie de croissance accélérée et de développement durable » (SCADD) au Burkina Faso, dont la croissance s'est établie à 6,0 % en 2019 (6,8 % en 2018). Pour ce qui du climat des affaires, certains pays ont réalisé un bon considérable entre les classements Doing Business 2012 et 2020, et notamment le Togo (passé de la 162e à la 97e place), la Côte d'Ivoire (de la 167e place à la 110e place), le Sénégal (de la 154e à la 123e) ou encore le Niger (passé de la 173e à la 132e place, talonnant ainsi le Nigeria, 131e). Pays francophone le moins bien classé d'Afrique de l'Ouest, la Guinée est toutefois passée de la 179e à la 156e place sur la même période.
«À titre de comparaison, il convient de savoir, par exemple, que la Nigeria et l'Angola, respectivement première et troisième économie d'Afrique subsaharienne (du fait de leur très importante production pétrolière), se classent à la 131e et à la 177e place, respectivement. Par ailleurs, il est à noter que le dernier classement Doing Business met en évidence une détérioration considérable de climat des affaires en Éthiopie, passée de la 111e à la 159e place entre les années 2012 et 2020. Ce pays, qui peine à développer ses zones rurales et où les répressions policières et les tensions interethniques ont fait plusieurs centaines de morts ces quelques dernières années, est d'ailleurs l'un des pays connaissant les plus fortes tensions sociales sur le continent, avec en particulier l'Afrique du Sud (où l'on compte plus de 15 000 homicides par an). Enfin, il est à noter que plus aucun pays francophone ne figure désormais parmi les six derniers pays de ce classement international, places désormais majoritairement occupées par des pays anglophones (en 2012, cinq des six derniers pays étaient francophones).
«Dans un autre registre, il est utile de souligner que la croissance économique de l'Afrique de l'Ouest francophone continue à être globalement deux fois supérieure à sa croissance démographique, pourtant légèrement supérieure à la moyenne subsaharienne. Grâce au cadre plus favorable instauré par les différentes réformes en matière d'économie et de bonne gouvernance, cet essor démographique contribue donc à son tour au dynamisme économique, en permettant notamment au marché intérieur de ces pays d'atteindre une masse critique nécessaire au développement de nombreuses activités économiques. Par ailleurs, la plupart des pays de la région demeurent encore assez faiblement peuplés. À titre d'exemple, la Guinée et le Burkina Faso, légèrement plus étendus que le Royaume-Uni (et non deux à trois fois plus petits comme l'indique la majorité, trompeuse, des cartes en circulation), ne comptent respectivement que 12 et 20 millions d'habitants, contre 67 millions pour le Royaume-Uni».