Guimba Konaté : «Il est aussi grand temps pour l’Etat de se dépêtrer de ces liaisons dangereuses et d‘asseoir son Autorité sur tout et pour tout le monde»


Rédigé le 3 Mars 2021 à 12:52 | 0 commentaire(s) modifié le 4 Mars 2021 07:04


(Equonet-Dakar) - Guimba Konaté, auteur de cette contribution, voit dans les rapports que l’Etat entretien avec les clergés des «liaisons dangereuses» et plaide pour la restauration de l’Autorité de l’Etat.


L’affaire du policier radié pour s’être prosterné devant son guide religieux en étant en tenue de service a donné lieu  à des réactions diverses allant de l’approbation à l’indignation en passant par les vitupérations, la condamnation sans réserve et tutti et quanti.. Bref, presque tout un chacun avait son avis voire sa position. Rares sont ceux qui auront été indifférents. Et pour cause!
Pour ma part, je retiens que cet épisode n’est qu’une des multiples manifestations des liaisons dangereuses que l’Etat du Sénégal a tissées avec les  clergés particulièrement les chapelles musulmanes.
Ah ! Les liaisons dangereuses elles nous ramènent à nos années de khagne où l’on prenait plaisir à dévorer des livres pour apprendre, comprendre, savoir. Les liaisons dangereuses nous renvoient pour ceux qui savent, au fameux livre de Chloderlos de Laclos au titre éponyme . Ecrit  vers la fin du 18ème  siècle si  ma mémoire est bonne, ce livre avait fait le buzz en son temps comme on le dirait aujourd’hui. Car il relatait dans ses moindres détails et dans un style épistolaire épuré, les relations ancillaires, salaces, mêlées d’intrigues, d’entourloupes, de petits crimes entre amis qui se tramaient dans la haute société de l’époque entre personnes bien sous tous les rapports. Un livre passionnant et très instructif des mœurs délurées d’une époque qu’il me plaît de recommander à ceux qui ne l’ont pas encore lu.
Cela dit, nos liaisons dangereuses dont il s’agit ici sont celles qui sont entretenues actuellement entre le pouvoir politique et les chapelles confrériques.
 
 
Senghor et Abdou DIOUF avaient réussi durant tout leur magistère, à tisser avec toutes les chapelles religieuses, chrétiennes comme musulmanes des liens de respect mutuel et de considération révérencielle, chaque partie restant dans les limites de son périmètre d’évolution et d’actions. .
C’est quand Abdoulaye WADE a accepté pour des raisons purement politiciennes de venir s’agenouiller publiquement devant son Calife pour bien marquer son allégeance à sa confrérie que la machine inexorable  de l’amalgame, de l’intrigue et de la compromission s’est enhardie et emballée pour donner ce que nous vivons aujourd’hui. Une vassalisation du pouvoir politique  face au pouvoir religieux notamment confrérique.
 Ainsi, il ne se passe plus de jours sans qu’un acte défiant l’autorité de l’Etat ne soit posé dans des affaires de Droit commun. Ainsi a –t-on vu ici des talibés passer outre les oukases de l’Etat sans que cela ne donne lieu à aucune réaction énergique de l’Etat. Pourtant SENGHOR n’avait pas hésité à faire arrêter AL MAKHTOUM pour des écarts jugés attentatoires à l’Autorité de l’Etat. De même en  1994 Abdou DIUOF ne s’est pas laissé impressionner et a réagi vigoureusement à l’attaque des Moustarchidines à l’avenue DE GAULLE qui avait  causé la mort de Quatre policiers. Il les a traqués et  les a fait arrêter  pour bien montrer que dans une République qui se respecte, Force doit toujours rester à la Loi. Khadim BOUSSO aussi avait été traqué jusque dans se derniers retranchements pour échapper à la Justice qui le cernait pour des actes répréhensibles à lui, imputés.
Mais depuis plus rien  ou presque...
Juste quelques échauffourées avec des thianthiakounes protestant contre l’arrestation de Feu Bethio Thioune impliqué dans une affaire lugubre de crimes ou d’assassinats présumés  d’ouailles récalcitrants. Ce qui a fait couler de chaudes larmes au ministre de l’intérieur de l’époque. Passons.
Et depuis, on assiste à des défiances inqualifiables de l’Autorité par ceux là qui sont censés en être les plus respectueux. C’est qu’en réalité, quand Maître WADE dans son acte d’allégeance public pensait, avec son art consommé du populisme et de la manipulation politicienne, pouvoir se servir du religieux pour agrandir et fidéliser sa clientèle politique en enrôlant les chapelles confrériques et partant, raffermir et étendre son influence pour bien asseoir sa politique. Ce faisant,  il n’avait pas  vu que d’autres personnes bien averties dans ces milieux maraboutiques avaient aussi le sens de l’analyse assez pointu pour comprendre tout le bénéfice qu’elles pouvaient engranger dans cette alliance avec le pouvoir politique. Les cellules pensantes des différentes chapelles confrériques ont donc joué le jeu politicien pour bien tirer leur épingle du jeu tout court. Ainsi par une sorte  de pacte non écrit, basé sur  le postulat du « je te tiens-tu me tiens », véritable « alliance du cheval et du cavalier » ils en sont arrivés à obtenir nombre d’avantages et à asseoir une autorité parallèle qui ne craint pas de défier parfois l’Etat.
Ainsi ils ont pu, par exemple et sans en avoir l’air parce que personne ne voudra jamais reconnaître ouvertement ce fait patent, obtenir des ministres, des députés, des DG et des PCA à eux, dévoués et qui se meuvent dans les arcanes du pouvoir pour le compte plus de leurs chapelles confrériques que de celui de l’Etat. C’est cette infiltration silencieuse qui a fini de prendre racine partout qui a produit des situations comme celle du policier talibé qui s’est agenouillé publiquement devant son mentor religieux .  Copiant en cela –toute proportion gardée off course- l’attitude de Wade devant le Calife.
 
L’Etat va donc se mettre à reculer devant ses responsabilités régaliennes pour laisser prospérer des situations de défiance qui érodent chaque jour un peu plus son Autorité devant ces forces occultes. Ainsi a-t-on vu un juge démis pour avoir appliqué le Droit à un marabout à Linguère. On a opposé un silence radio d’enfer devant des traites de personnes dans des maisons de redressement, véritables ersatz de camp de concentration nazi.
On a adopté une attitude d’autruche devant des faux prophètes autoproclamés et présumés pédophiles sur les bords jusqu’à des tentatives de Tawaff par des illuminés-hallucinés sur la Grande Mosquée de Touba. Sans compter les nombreuses déclarations saugrenues  voire hérétiques, débitées sans retenue lors de certains Gamous, de Ziarr, de Magals ou de Thiants qui restent sans réaction énergique et des Autorités supérieures religieuses et des autorités étatiques. Sur ce chapitre, les réseaux sociaux ont fini de relayer systématiquement toutes sortes d’inepties et de blasphèmes sur la Religion frisant l’idolâtrie, l’apostasie, le reniement voire «la folie flamboyante» de Césaire et qui, par leur fréquence quasi permanente, n’émeuvent plus personne.
Le comble de la reculade sera atteint quand le Président de la République himself aurait affirmé sans sourciller « qu’il y’a des personnes dans ce pays qui,  si on les arrête , ce sera l’émeute ». Fermez le ban . La messe est dite. Cet aveu d’impuissance manifeste s’il est avéré, devient dangereux pour chacun d’entre nous. Si l’Etat avoue et assume sa faiblesse à l’égard de certains groupuscules pour ensuite étaler toute sa vigueur devant d’autres comme on le voit avec les arrestations tous azimuts dans l’affaire dite du « massage à Sweat beauty » ; on peut craindre pour notre sécurité à tous et à chacun. Les liaisons dangereuses ont fini d’entrainer l’Etat dans des situations de vassalisation et de soumission devant des groupes d’intérêt partisans qui excellent à tirer tous les bénéfices  de telles relations à leur profit. Ils imposent leurs désidératas : passeports diplomatiques, nominations d’affidés, réfection ou construction des lieux de culte et des demeures des guides, dotations conséquentes en argent, denrées et autres pour les grandes cérémonies religieuses. Et ils n’hésitent pas à rouspéter, à bouder voire à menacer l’Etat  de représailles de « djinns » ou autres fatwas fantaisistes. De véritables maîtres-chanteurs qui ne se préoccupent que de l’aura de leur chapelle confrérique au détriment de TOUT. Sur ce chapitre, ils se livrent à une véritable « guerre » silencieuse d’influence pour démontrer autant que faire se peut la suprématie de leur chapelle par rapport aux autres obédiences. Et on assiste quotidiennement à des scènes de panégyriques et autres « miracles » qui seraient l’apanage exclusif de leur guide à eux seuls et montreraient à suffisance sa prédominance sur celui des autres. Une rivalité sourde jusque là contenue mais très grosse de menaces futures si on n’y prend garde notamment avec le nombre de plus en plus inquiétant de zélotes fanatisés , bruyants, incultes, braillards et …violents qui envahissent ces chapelles.   
Il est donc grand temps que les guides religieux supérieurs prennent la pleine mesure de toutes ces menaces qui planent sur la cohésion nationale en se concertant plus souvent entre eux pour huiler leurs relations et dissiper tout malentendu naissant. Parfaire la formation de leurs ouailles dans l’enseignement rigoureux des préceptes et principes de la religion ; recadrer énergiquement et dissuader les talibés à se complaire dans des comparaisons superfétatoires, improductives et surtout dangereuses.
Il est aussi grand temps pour l’Etat de se dépêtrer de ces liaisons dangereuses et d‘asseoir son Autorité sur tout et pour tout le monde en prenant  la pleine mesure de ses pouvoirs régaliens de maintien de l’ordre, d’organisation et de conduite des affaires de la Nation sans faiblesse coupable ni violence inutile et en toute responsabilité et impartialité .
C’est à ce prix que l’on pourra asseoir « un commun vouloir de vie commune » pour un Sénégal véritablement EMERGEANT.
 
DIEU NOUS GARDE, GARDE LE SENEGAL ET GARDE L’AFRIQUE .
 
Dakar le  03/03/2021
 
Guimba  KONATE
DAKAR
guimba.konate@gmail.com
Guimba Konaté


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