Douche froide. Facebook, embourbé dans les polémiques depuis près de deux ans, a publié le 25 juillet des résultats trimestriels jugés décevants par les investisseurs. Au point de perdre jusqu'à 19,6% ce jeudi en tout début de séance. Le géant américain pourrait ainsi perdre, à ce niveau, l'équivalent de 124 milliards de dollars de capitalisation boursière. Du jamais vu en une seule séance pour une entreprise américaine, selon Bloomberg.
L'objet du mécontentement des marchés ? Le nombre d'utilisateurs, le chiffre d'affaires... et une anticipation d'un fort ralentissement de croissance. Le plus grand réseau social au monde revendique 2,23 milliards d'utilisateurs mensuels actifs (+11% sur un an). C'est à peine supérieur aux résultats du premier trimestre, et c'est moins que les 2,25 milliards anticipé par les marchés. Le nombre d'utilisateurs actifs par mois a baissé d'environ un million en Europe, a précisé Mark Zuckerberg, Pdg et co-fondateur de Facebook, rapporte Reuters. En cause : l'entrée en vigueur le 25 mai dernier du Règlement général sur la protection des données, qui a contraint Facebook à modifier les termes de ses conditions d'utilisation et de la création de comptes.
De plus, le nombre d'utilisateurs quotidiens actifs est en baisse pour le sixième trimestre consécutif. Il s'élève à 1,47 milliard fin juin, quand les marchés en attendaient 1,49 milliard.
« Malgré une croissance plus lente au deuxième trimestre, le nombre d'utilisateurs de Facebook a augmenté de 11% par rapport à l'année précédente. À l'échelle de Facebook, cette croissance est non négligeable », relativise Yuval Ben-Itzhak, Pdg de SocialBakers, spécialisé dans l'analyse des médias sociaux.
"Une année cruciale" pour FacebookLes marchés ont aussi été déçus par le chiffre d'affaires, en dépit d'un bénéfice net meilleur que prévu. Malgré les scandales, la société américaine a pourtant enregistré un chiffre d'affaires hallucinant de 13,23 milliards de dollars (+42% sur un an), contre un rythme annuel de croissance qui était de 49% à la fin du premier trimestre. Les analystes espéraient un chiffre d'affaires de 13,36 milliards de dollars. Son bénéfice net à quant à lui bondi de 31% pour s'établir à 5,1 milliards de dollars. Mais le fleuron de la Silicon Valley anticipe déjà un fort ralentissement de sa croissance à venir.
Explosion des dépenses"C'est une année cruciale" pour Facebook, a commenté Mark Zuckerberg lors d'une conférence téléphonique avec des analystes, rapporte l'AFP. "Nous investissons tellement dans nos systèmes de sécurité que cela va commencer à avoir un effet sur notre rentabilité, nous commençons à le voir ce trimestre", a-t-il continué.
En effet, les dépenses du groupe ont bondi de 50%, à 7,37 milliards de dollars. La tendance devrait se maintenir d'ici la fin de l'année, avec une hausse de 50% à 60% attendue. Ces dépenses s'expliquent par le besoin de recrutements, mais aussi des investissements en intelligence artificielle et en recherche et développement pour mieux contrôler ce qui circule sur la plateforme.
Par exemple, 10.000 salariés travaillaient à la sécurité du réseau en 2017, et l'effectif s'apprête à être doublé d'ici fin 2018. Facebook avait déjà annoncé ce ralentissement dès novembre 2017. Mark Zuckerberg prédisait alors que les dépenses dans la sécurité vont "affecter de façon importante notre rentabilité à venir". Ces dires ont été confirmés le 25 juillet par Dave Wehner, directeur financier de Facebook : "Nous prévoyons que la hausse des dépenses sera supérieure à celle du chiffre d'affaires" en 2019, a-t-il asséné.
L'entreprise de Zuckerberg a enclenché une vague importante d'investissements face aux scandales à répétition dont le réseau social fait l'objet depuis près de deux ans. Il a été accusé successivement de servir de désinformation à cause de la prolifération de fake news, ces fausses nouvelles apparues durant le Brexit et amplifiées lors de l'élection présidentielle américaine en 2016. Il a également été utilisé comme plateforme de propagande par la Russie afin de peser dans le processus électoral américain en 2016. Dernier scandale en date : Cambridge Analytica, explosé mi-mars. Facebook est accusé de laxisme pour avoir permis au cabinet d'analyse britannique Cambridge analytica de mettre la main sur les données personnelles de 87 millions d'utilisateurs du réseau social, sans leur consentement. Ces informations ont été utilisées à des fins politiques, au service de Donald Trump lors campagne présidentielle américaine et du groupe "Leave.EU" pour le Brexit en 2016.
Instagram, nouveau relais de croissance pour FacebookEn parallèle, Facebook est de plus en plus boudé par les plus jeunes - cible pourtant privilégiée des annonceurs. Ces derniers se tournent davantage vers Instagram, plateforme de partage de photos et propriété de Facebook. Instagram a d'ailleurs annoncé en juin avoir passé la barre du milliard d'utilisateurs mensuels. Sa croissance aide donc le groupe, puisque l'application devrait générer 18% du chiffre d'affaires de Facebook cette année et 23% l'an prochain, prédit le cabinet eMarketer. Yuval Ben-Itzhak, Pdg de SocialBakers, analyse :
« Au cours de l'année qui vient de s'écouler nous avons observé la montée en puissance d'Instagram en tant que support publicitaire générateur de revenus pour Facebook (...) Si l'on compare les parts de marché publicitaire de Facebook et Instagram, on constate que celle d'Instagram est passée de 10% à 50% en un peu plus d'un an. Les données recueillies montrent qu'Instagram est devenu la plateforme la plus puissante pour les marques, ce qui en fait un facteur de croissance important pour Facebook, aujourd'hui et à l'avenir. »